Le débat sur les causes de l'écrasement de l'Airbus d'EgyptAir en Méditerranée a été relancé samedi par l'annonce que des alertes signalant une fumée et une défaillance du système de commandes de vol s'étaient déclenchées avant la chute de l'appareil.

Alors que la recherche des corps et des boîtes noires s'intensifie, l'armée a publié les photos des premiers débris qu'elle a repêchés. Parmi eux, un sac à dos rose décoré de papillons, un petit morceau de carlingue déchiqueté, des revêtements de sièges déchirés, un gilet de sauvetage déplié...

Jusque là, le gouvernement égyptien et les experts semblaient privilégier la thèse de l'attentat pour expliquer la chute dans la nuit de mercredi à jeudi du vol MS804 reliant Paris au Caire avec 66 personnes à bord, dont 30 Égyptiens et 15 Français, à près de 300 km de la côte nord de l'Égypte.

Des médias américains ont toutefois révélé que le système automatisé de communications (ACARS) de l'appareil avait émis diverses alertes avant le drame, dont une signalant une fumée d'origine indéterminée à l'avant de la cabine et l'autre une défaillance de l'ordinateur gérant les commandes de vol.

Les enquêteurs français ont confirmé samedi l'existence d'alertes signalant «de la fumée en cabine».

«Il est bien trop tôt pour émettre tout jugement à partir d'une seule source d'informations, comme les messages ACARS», a réagi samedi soir le ministère égyptien de l'Aviation civile. Ces messages «sont des indicateurs qui peuvent avoir des causes différentes et donc il faut des analyses plus poussées.»

«Les familles veulent les dépouilles de leurs proches, l'armée se concentre là-dessus, c'est ce qui nous préoccupe au premier chef», avait auparavant commenté le président d'EgyptAir Safwat Moslem.

PHOTO AFP/FOURNIE PAR L'ARMÉE ÉGYPTIENNE

Des débris de l'appareil

PHOTO AFP/FOURNIE PAR L'ARMÉE ÉGYPTIENNE

Des débris d'une valise

Patrouilleur français

En l'absence de toute revendication, seule l'analyse des débris de l'avion, des corps et, surtout, des deux enregistreurs de vol permettra de faire la lumière sur les raisons de l'écrasement.

La France a dépêché un patrouilleur de haute mer doté d'équipements utiles pour la recherche des «boîtes noires» qui devrait arriver sur zone dimanche ou lundi. Les balises des enregistreurs ne peuvent émettre que «quatre à cinq semaines» avant épuisement de leurs batteries, a rappelé l'ambassade de France au Caire.

Vendredi, les navires de l'armée égyptienne avaient déjà repêché «un membre humain, deux sièges et une ou plusieurs valises», selon le ministre grec de la Défense, Panos Kammenos.

Fin octobre, la branche égyptienne du groupe djihadiste État islamique (EI) avait fait exploser une bombe à bord d'un avion de touristes russes au-dessus du Sinaï égyptien, tuant ses 224 occupants.

Dans ce contexte, Le Caire et nombre d'experts avaient mis dès jeudi en avant la thèse de l'attentat pour expliquer l'écrasement de l'Airbus, s'appuyant sur le fait que l'équipage n'avait émis aucun message de détresse avant la chute de l'appareil.

«Incendie à bord»

Mais vendredi soir, les médias américains Aviation Herald, Wall Street Journal et CNN ont rendu public un compte-rendu d'alertes émises pendant deux minutes par le système automatisé de communication de l'Airbus, signalant une «épaisse fumée» à l'avant de l'appareil et dans une des toilettes, ainsi qu'une défaillance du système de contrôle des commandes de vol, également situé à l'avant de l'avion.

À Paris, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), qui a dépêché trois enquêteurs en Égypte, a confirmé samedi qu'il y a eu des «messages ACARS émis par l'avion indiquant qu'il y a eu de la fumée en cabine peu avant la rupture des transmissions de données».

«Il est beaucoup trop tôt pour interpréter et comprendre les causes de l'accident tant que nous n'avons retrouvé ni l'épave, ni les enregistreurs de vol», a ajouté son porte-parole.

«Toutes les hypothèses sont examinées et aucune n'est privilégiée», a martelé samedi à Paris le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, après avoir rencontré les familles de victimes.

Selon Philip Baum, un spécialiste de l'aéronautique cité par la BBC, «tout cela commence à montrer qu'il ne s'agissait probablement pas d'un détournement, qu'il n'y a probablement pas eu de bagarre dans le cockpit, qu'il s'agit probablement d'un incendie à bord.»

Mais pour Jean-Paul Troadec, expert aéronautique et ancien directeur du BEA, la détection «des fumées ne préjuge pas des causes de l'accident.»