Le chef d'État nigérien sortant Mahamadou Issoufou, 64 ans, a été réélu avec 92,49% des voix lors du second tour de la présidentielle de dimanche, un scrutin boycotté par l'opposition qui a appelé mardi à la «résistance citoyenne».

Le président Issoufou va commencer dans une ambiance politique tendue son deuxième quinquennat à la tête de ce pays ouest-africain de 18 millions d'habitants, parmi les plus pauvres du monde.

De source proche du pouvoir et de l'opposition, des négociations ont commencé entre les deux camps pour sortir d'une crise politique dans ce pays qui a connu de nombreux coups d'État.

L'opposant Hama Amadou, 66 ans, en détention depuis novembre et qui a été évacué de sa prison vers un hôpital parisien le 16 mars, a recueilli 7,51% des suffrages, a précisé la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

Le taux de participation, principal enjeu du scrutin en raison du boycottage de l'opposition, a atteint 59,79%, contre 66,8% au premier tour, selon la Céni.

La Coalition de l'opposition pour l'alternance (COPA 2016) avait annoncé avant la proclamation des résultats qu'elle ne les reconnaîtrait pas. Assurant que la participation a été très faible, à 11,05%, elle s'est félicitée du succès de son mot d'ordre de boycottage en dénonçant le «bourrage» d'urnes.

Le pouvoir a balayé les critiques, estimant que les élections étaient «transparentes et crédibles» et accusant l'opposition de ne pas «vouloir admettre une défaite annoncée».

«Le pouvoir a crevé tous les plafonds d'atteinte à la démocratie en traînant notre pays dans une parodie électorale», a dit un responsable de l'opposition, Amadou Boubacar Cissé, dénonçant «les faux résultats concoctés d'un scrutin tortueux».

«Toute proclamation de résultats définitifs par la Cour constitutionnelle en violation des délais légaux constituera le point de départ à la résistance citoyenne», a-t-il poursuivi.

Amadou va mieux

«Toutes les conditions de la violence et du chaos sont réunies», a mis en garde la COPA, alors que le mandat du président expire le «1er avril à minuit», soit avant la fin du délai de 15 jours pour contester les résultats.

L'Union européenne avait «pris note» lundi de la baisse de la participation au second tour, soulignant que le scrutin «s'est déroulé dans un contexte inédit, un des candidats n'ayant pas été en mesure de faire campagne» et «regretté qu'une partie des électeurs» n'ait pas voté.

Elle a «plaide pour l'établissement d'un climat politique apaisé, à travers un dialogue inclusif et constructif, contribuant à la consolidation de la démocratie».

Dimanche, après avoir voté, M. Issoufou avait appelé à «l'union sacrée», et indiqué qu'il fallait «éviter de vaines querelles».

Le pays vit sous la menace des djihadistes sahéliens, notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) à l'ouest et au nord, ainsi que des Nigérians de Boko Haram à l'est. Jeudi, deux attaques, l'une d'AQMI, l'autre de Boko Haram, avaient coûté la vie à quatre membres des forces de sécurité.

Pendant la campagne, M. Issoufou, ancien opposant historique du charismatique ex-président Mamadou Tandja, a mis en avant son bilan, assurant avoir doté le pays d'infrastructures, lutté contre la pauvreté et rétabli la sécurité face à la menace islamiste.

L'opposition, elle, a critiqué la mauvaise gouvernance du régime et son incapacité à enrayer la pauvreté, dans un pays où 76% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

Hama Amadou, ancien Premier ministre hospitalisé mercredi à Paris, va mieux, mais devra rester au moins 10 jours en observation, a indiqué mardi son médecin parisien. Il était en détention depuis novembre dans le cadre d'une affaire controversée de trafic d'enfants, un «procès politique» selon l'opposition, un dossier de «droit commun» selon le pouvoir.