L'homme d'affaires Patrice Talon est sorti lundi largement vainqueur du second tour de l'élection présidentielle au Bénin, au terme d'un scrutin sans incidents majeurs dans ce rare bastion de la démocratie électorale en Afrique.

Quelque 4,7 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dimanche pour élire le successeur de Thomas Boni Yayi. Celui-ci, au pouvoir depuis 2006, se retire au terme de deux mandats, conformément à la Constitution de ce petit pays ouest-africain, premier État d'Afrique francophone à avoir entamé une transition démocratique au début des années 1990.

Patrice Talon, baptisé le «roi du coton» et âgé de 57 ans, a obtenu 65,39% des voix contre 34,61% pour son adversaire Lionel Zinsou, le premier ministre sortant, 61 ans, selon le président de la Commission électorale Emmanuel Tiando.

Acteur incontournable du monde des affaires au Bénin, il était soutenu par 24 candidats du premier tour réunis au sein de la «coalition de la rupture».

M. Zinsou, ex-banquier d'affaires franco-béninois et candidat des Forces Cauri pour un Bénin émergent (FCBE) de M. Boni Yayi, avait appelé son adversaire dès dimanche soir pour reconnaître sa défaite et le féliciter au cours d'une «conversation cordiale», a-t-il déclaré à l'AFP.

«C'est un geste que j'ai beaucoup apprécié et je l'en félicite. Cela prouve bien que notre démocratie est en bonne marche», a réagi lundi soir M. Talon, qualifiant son adversaire de «grand homme au fair-play admirable» lors d'une courte conférence de presse à Cotonou.

M. Talon va s'atteler en priorité à une réforme constitutionnelle, censée redistribuer les pouvoirs pour l'instant concentrés par le président. Il souhaite notamment supprimer la possibilité d'un second mandat présidentiel.

«Je suis élu pour cinq ans et je ferai cinq ans, je ne serai pas candidat en 2021 et je ne serai pas éligible», a-t-il insisté.

M. Zinsou, plume du Premier ministre français Laurent Fabius dans les années 80, avait quitté son poste à la tête de PAI Partners, un des plus gros fonds d'investissement européens, pour devenir Premier ministre du Bénin en juin 2015.

«Démocratie solide»

Pendant la campagne, il a été traité de «yovo» («Blanc») par ses détracteurs, qui lui ont reproché d'être «parachuté» par la France, l'ancienne puissance coloniale, pour raviver les réseaux de la «Françafrique».

«A titre personnel, c'est bien mon intention de servir mon pays (...) Il y a de très nombreuses façons de se rendre utile à son pays», a affirmé M. Zinsou à la presse lundi soir.

Le président français François Hollande, qui a adressé au futur président béninois ses «meilleurs voeux de réussite dans l'exercice de son prochain mandat», a salué, dans un communiqué, «la solidité de la démocratie béninoise».

Le taux de participation était de 65,57% au second tour, a précisé M. Tiando, qui a rappelé que les «grandes tendances» publiées par la Commission électorale devaient toutefois être confirmées dans les prochains jours par la Cour Constitutionnelle, qui proclamera officiellement le vainqueur.

Si quelques scènes de liesse ont pu être observées dimanche soir à Cotonou, la capitale économique largement favorable à Patrice Talon, le calme était revenu lundi matin.

La réussite sociale de ce «self-made man» et son goût du luxe font rêver une partie de la jeunesse béninoise, qui voit en lui celui qui saura créer des emplois et de la richesse à l'échelle du pays.

Peu diversifiée, l'économie de ce pays de 10,6 millions d'habitants s'appuie essentiellement sur l'agriculture et le commerce de transit et de réexportation vers son grand voisin et principal partenaire, le Nigeria.

Le prochain président béninois, qui doit être investi le 6 avril, «peut être une chance pour le Bénin s'il met en oeuvre son programme notamment en matière de réformes institutionnelles», estime le chercheur Gilles Yabi, fondateur du cercle de réflexion ouest-africain Wathi, basé à Dakar.

Mais il émet des «réserves quant à la personnalité» de ce personnage controversé, «lui-même en partie responsable du bilan de Boni Yayi».

«M. Talon va être bien obligé de lutter contre la corruption. Nous ne lui laisserons aucun répit. Nous allons le lui exiger», a réagi le militant anti-corruption Martin Assogba, figure de la société civile béninoise.