Les hommages se succédaient mardi pour saluer la mémoire de l'ancien secrétaire général des Nations unies Boutros Boutros-Ghali, élu dans l'euphorie de la fin de la Guerre froide avant d'être confronté à la période trouble des guerres au Rwanda et dans les Balkans.

«Nous avons été informés que l'ancien secrétaire général Boutros Boutros-Ghali est décédé» à l'âge de 93 ans, a déclaré l'ambassadeur vénézuélien Rafael Ramirez, qui préside le Conseil de sécurité de l'ONU durant le mois de février. Selon un porte-parole des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali s'est éteint au Caire.

Le diplomate égyptien avait été le premier Africain à accéder au poste de secrétaire général, une fonction qu'il avait occupée entre 1992 et 1996.

L'actuel secrétaire général Ban Ki-moon a salué la mémoire d'un «homme d'État respecté» et d'un «dirigeant mémorable» de l'ONU.

M. Ban a souligné que Boutros Boutros-Ghali avait «eu le courage de poser des questions difficiles aux pays membres et qu'il insistait à juste titre sur l'indépendance de sa fonction».

Le président français François Hollande a lui rendu hommage à un «grand serviteur de l'ONU», estimant que «son message doit inspirer l'action de la communauté internationale à l'heure où le Moyen-Orient connaît de nouveaux drames».

«La disparition de Boutros Boutros-Ghali est celle d'un grand Égyptien et d'un grand serviteur des Nations unies», a souligné François Hollande. Il «n'a jamais cessé de se battre pour préserver la paix, prévenir les conflits et rapprocher les peuples dans le respect de leur diversité».

Les États-Unis, qui n'ont pas toujours eu des relations faciles avec Boutros Boutros-Ghali, ont salué «un diplomate exceptionnel, un homme d'État habile et un infatigable avocat de la paix», dans un communiqué signé du secrétaire d'État John Kerry.

«Boutros Boutros-Ghali a consacré sa vie à promouvoir des idéaux d'un monde plus juste, plus pacifique et plus équitable, d'une "mondialisation démocratique" et de la solidarité Sud-Sud», a aussi réagi Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, branche de l'ONU chargée de promouvoir la paix par l'éducation, la science et la culture.

Accords de paix égypto-israéliens 

Né le 14 novembre 1922 au Caire, Boutros Boutros-Ghali était issu d'une grande famille de la minorité chrétienne copte d'Egypte. Son grand-père, assassiné en 1910, avait été premier ministre. Après avoir fait la majeure partie de ses études à Paris, il était devenu professeur de droit à l'université du Caire et avait publié de nombreux ouvrages traitant des relations internationales.

Boutros Boutros-Ghali avait ensuite été nommé ministre d'État aux Affaires étrangères en octobre 1977 sous le président Anouar al-Sadate. Durant ses 14 ans en poste, il a notamment joué un rôle clef dans la conclusion des accords de paix égypto-israéliens initiés à Camp David en 1978 et signés un an plus tard.

Spécialiste des rapports Nord-Sud, M. Boutros-Ghali avait été le principal artisan de la politique africaine de l'Égypte.

Elu à l'ONU dans l'euphorie de la fin de la Guerre froide et de l'après guerre du Golfe, il a dû faire face à de sérieuses crises, avec des conflits en ex-Yougoslavie, en Somalie, au Moyen-Orient et le génocide au Rwanda.

Après la mort en Somalie de 18 soldats américains fin 1993 et les reculades des Nations unies dans les dossiers de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, il avait été pris comme bouc émissaire, en particulier par les États-Unis qui avaient mis un veto à sa réélection et soutenu le ghanéen Kofi Annan.

L'ambassadrice américaine à l'ONU de l'époque, Madeleine Albright, avait alors accusé le diplomate de ne pas avoir réussi à réformer l'organisation pour la rendre plus efficace. Mais le principal intéressé avait, lui, eu le sentiment d'avoir été puni pour avoir condamné des opérations israéliennes dans le sud du Liban et poussé certains pays à payer leurs arriérés.

Après son passage aux Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, un brillant intellectuel francophone et francophile, avait été le premier secrétaire général de la Francophonie, de 1997 à 2002.