Quinze personnes ont été tuées jeudi dans un massacre à caractère ethnique dans l'est de la République démocratique du Congo, où l'armée nationale et les Casques bleus présents dans la région sont accusés une nouvelle fois de passivité face aux groupes armés.

Le drame s'est produit dans la nuit à Miriki, localité du Nord-Kivu, à environ 110 km au nord de Goma, la capitale de cette province déchirée depuis plus de 20 ans par des conflits armés alimentés notamment par des différends ethniques et fonciers.

Les Forces armées de la RDC (FARDC), les autorités territoriales, le chef coutumier local, de la communauté Nande, et la Mission de l'ONU en RDC (MONUSCO) accusent des rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) d'en être responsables.

Le bilan de 14 morts donné dans la matinée s'est alourdi à 15 morts dans la journée après le décès d'un des blessés (six à neuf selon les sources), selon la MONUSCO et un habitant de Miriki.

«Toutes les victimes sont (...) Nande», a déclaré à l'AFP Georges Katsongo, président de l'ONG Société civile de Lubero.

Selon des sources locales, les chefs Nande du sud du territoire de Lubero, où se trouve Miriki, s'opposent depuis plusieurs mois au retour de déplacés hutu congolais, accusant ceux-ci de vouloir «conquérir l'espace Nande».

Joint par téléphone de Goma, le chef de la localité de Miriki, Gervain Paluku Murandia, a affirmé avoir perdu ses «deux femmes et (sa) fille aînée» dans l'attaque.

M. Paluku Murandia est le mwami (chef coutumier) du groupement de Mulinde, dont Miriki est le chef-lieu, et membre d'une famille royale Nande. Déclarant craindre pour sa sécurité, il affirme n'avoir pas été présent au village pendant la nuit. «Les assaillants ont tué à la machette. Tout ceci s'est passé en présence des FARDC et de la MONUSCO, qui sont dans ce village, et il n'y a eu aucune intervention», dénonce-t-il.

«Des personnes tuées à la machette, alors qu'il y a la MONUSCO et les FARDC, c'est vraiment déplorable», a déclaré de son côté M. Katsongo.

Interrogé par l'AFP, Charles Bambara, directeur de l'information publique de la MONUSCO dément la présence de soldats onusiens en permanence à Miriki. «La MONUSCO (...) n'était pas sur place» au moment de l'attaque, affirme-t-il, ajoutant que des Casques bleus ont été envoyés en renfort «pour rassurer la population».

Selon une source militaire onusienne, la MONUSCO a «une base aux environs de Miriki et une autre à Luofu», à environ 15 km à l'est de Miriki.

«Connivence»

Selon le lieutenant Mak Hazukay, porte-parole de l'armée congolaise, les assaillants ont «contourné (la) position FARDC» à Miriki avant de tuer «à l'arme blanche».

Souleymane Mokili, membre d'une association de défense des droits de l'homme locale, affirme cependant avoir vu les cadavres de personnes tuées selon lui «à la machette et par balle».

Le lieutenant Hazukay a annoncé l'envoi de renforts des FARDC à Miriki. «Dans la communauté nande, on accuse la communauté hutue congolaise d'être de connivence avec les FDLR», a-t-il déclaré.

L'armée et la MONUSCO (déployée depuis 1999 et forte de près de 20 000 Casques bleus) sont régulièrement accusées de ne pas protéger correctement les civils.

En juin 2014, la Mission onusienne avait présenté publiquement ses excuses et reconnu une part de responsabilité après le massacre de 32 personnes d'une même ethnie à Mutarule, au Sud-Kivu.

La tuerie avait été commise de nuit. Un détachement local de la MONUSCO avait été alerté par des riverains, mais n'avait pas bougé. Présente à proximité, la patrouille des FARDC n'était pas non plus intervenue.

Les fondateurs et les plus anciens combattants des FDLR sont présents dans l'Est congolais depuis 1994. Plusieurs d'entre eux sont recherchés par la justice internationale pour leur rôle actif présumé cette année-là dans le génocide des Tutsis au Rwanda.

En RDC, la milice est accusée d'innombrables atrocités. L'armée congolaise a lancé en 2015 une opération contre les FDLR et affirme qu'il n'en reste plus aujourd'hui que 60 encore actifs. La MONUSCO, qui évaluait les effectifs de la milice à quelque 1500 combattants début 2015, dit ne pas avoir moyen de corroborer cette estimation, faute de collaboration avec les FARDC.