Le pape François, accueilli triomphalement dimanche à Bangui, a demandé aux Centrafricains de déposer les armes et refuser «la peur de l'autre», ouvrant dans la cathédrale une «porte sainte» en signe de repentance et de réconciliation.

Ce séjour de 26 heures de François à Bangui répond à son désir de peser de tout son poids pour obtenir la fin des violences intercommunautaires qui ensanglantent le pays depuis 2013.

Tous les conseils, y compris de la France et de certains conseillers, au Vatican, à ne pas effectuer ce voyage risqué, n'ont pu faire reculer Jorge Bergoglio.

Des dizaines de milliers de fidèles sur les routes ont répondu présent, malgré l'insécurité, comme si le pape pouvait apporter avec lui un remède miracle. Certains agitaient sur les talus des branches d'arbre en signe de paix.

Forces de l'ONU et police étaient déployées en force sur son itinéraire, mais sans nervosité particulière.

Dans la soirée, au moment le plus solennel de sa visite, François a ouvert la «porte sainte» de la cathédrale de Bangui, pour le pardon des fautes en Centrafrique, à dix jours de l'ouverture à Rome du Jubilé de la Miséricorde qu'il a proclamé.

Des milliers de personnes étaient massées sur les pelouses devant la cathédrale en brique rouge.

Dans la foule, Alban Boris Nganga regrettait de ne pouvoir entendre le pape: «on est venu écouter son message, mais il n'y pas le son!».

Ferveur et youyous ont accompagné l'ouverture de la porte, alors qu'un hélicoptère surveillait le quartier.

Un gendarme français confiait à l'AFP son inquiétude: «On a surtout peur de petits groupes isolés qui viendraient armés» aux abords de la cathédrale.

«Capitale spirituelle du monde»

«Ouvre-nous la porte de Ta miséricorde», a prié François, avant de pousser les deux battants de la porte, décorés de palmes et de fleurs.

«Bangui devient la capitale spirituelle du monde. L'Année de la miséricorde est pour cette terre et tous les autres pays qui passent par l'épreuve de la guerre».

Devant des jeunes, plus tard, il a évoqué les bananiers qui «donnent la vie et sont résistants. Vous devez aussi résister comme les bananiers. Vous ne devez pas fuir, vous devez être courageux dans le pardon et la paix».

À la fin de la messe, l'archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, un des artisans de la plateforme interconfessionnelle pour la paix avec le pasteur protestant Nicolas Guérékoyamé-Gbangou et l'imam Oumar Kabine, a remercié le pape, en lui offrant une crosse en ébène: «Vous avez posé un geste fort, historique. Cette porte sainte, c'est la porte de l'espérance et du pardon!».

Le pape a salué chaleureusement les trois hommes, appuyant leur démarche minoritaire.

François a aussi appelé tous ceux qui «utilisent injustement» des armes dans le pays à «déposer ces instruments de mort».

Faisant allusion aux divisions ethniques fréquemment instrumentalisées en Afrique par les hommes politiques, le chef de l'Église catholique a aussi affirmé qu'il était nécessaire de savoir «se libérer des conceptions de la famille et du sang qui divisent».

Devant la présidente de transition Catherine Samba-Panza, il a invité les Centrafricains à éviter l'isolement communautaire: «Il faut éviter la tentation de la peur de l'autre, de ce qui n'appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques ou à notre confession religieuse».

«Mon souhait le plus ardent, a-t-il ajouté, est que les différentes consultations nationales qui vont se tenir dans quelques semaines permettent au pays d'entamer sereinement une nouvelle étape».

Des élections présidentielle et législatives sont prévues le 27 décembre en Centrafrique.

Dans un centre de réfugiés, à la paroisse du Saint-Sauveur, une immense joie se lisait sur les visages quand le pape est venu saluer un à un des centaines d'enfants et leurs mères, au milieu de baraques et de tentes.

Parmi eux, Fidèle Nodjindorom assurait: «le pape est venu pour demander à Dieu de nous sauver!»

Dans une étape non annoncée de son programme, François a apporté dans un hôpital pédiatrique des colis de médicaments fourni par un hôpital catholique de Rome.

Auparavant, la présidente Samba-Panza avait demandé «pardon» pour «tout le mal» commis par les Centrafricains depuis 2013.

«Nous avons absolument besoin de ce pardon parce que les dernières évolutions de la crise sont apparues comme des abominations commises au nom de la religion par des gens qui se disent des croyants», avait lancé la présidente devant le pape.

Inépuisable, à 78 ans, le pape a confessé des jeunes dans la cathédrale, tard dans la soirée.

Les Casques bleus (10 900 hommes) et le contingent militaire français (900) comme la police centrafricaine quadrilleront aussi Bangui lundi, quand le pape se rendra dans l'enclave musulmane du PK-5 où se trouve la mosquée centrale, et dont les abords sont l'objet d'affrontements armés avec les miliciens chrétiens et animistes, les anti-balaka.

Puis François regagnera dans la journée Rome après ses trois étapes au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique.

PHOTO AP

François a ouvert la «porte sainte» de la cathédrale de Bangui.