L'état d'urgence a été réinstauré mardi soir en Tunisie après la mort d'au moins 12 agents de la sécurité présidentielle dans un attentat contre leur bus en plein centre de la capitale.

L'explosion, qui s'est produite en fin d'après-midi près d'une des principales artères de Tunis, «est un acte terroriste. Il y a 12 martyrs», a dit à l'AFP Walid Louguini, le porte-parole du ministère de l'Intérieur.

En outre, vingt agents ont été blessés, dont au moins un grièvement selon le ministère de la Santé. Tous les morts sont des membres de la sécurité présidentielle, selon les autorités.

Dans une allocution télévisée dans la soirée, le président tunisien Béji Caïd Essebsi, qui a annulé une visite d'État en Suisse, a annoncé que l'état d'urgence était réinstauré sur l'ensemble du territoire. Celui-ci avait été levé début octobre, trois mois environ après l'attentat qui avait fait 38 morts près de Sousse et avait été revendiqué par l'organisation État islamique (EI).

M. Essebsi a également proclamé un couvre-feu sur le Grand Tunis «à partir de 21h00 et jusqu'à demain 05h00». Cette mesure sera en vigueur «jusqu'à nouvel ordre», a indiqué à l'AFP le porte-parole de la présidence, Moez Sinaoui.

Une réunion du conseil de sécurité nationale est aussi prévue mercredi à 10h00.

Tension extrême

Sur le site de l'attentat, près de l'avenue Mohamed-V qui a été bouclée, une journaliste de l'AFP a pu voir un bus en grande partie calciné. De nombreuses ambulances, les pompiers et les forces de l'ordre se trouvaient sur place, où régnait une tension extrême. Plusieurs journalistes ont été agressés par des policiers en civil qui refusaient leur présence sur les lieux.

«La plupart des agents qui se trouvaient dans le bus sont morts», a déclaré une source de sécurité sur place. Le ministère de l'Intérieur n'était pas en mesure de préciser combien de personnes au total se trouvaient à bord du véhicule.

Un employé de banque du secteur a affirmé à l'AFP avoir entendu «une forte explosion» et «vu le bus en feu».

Le premier ministre Habib Essid et le ministre de l'Intérieur Najem Gharsalli se sont rendus sur place.

La sécurité a été renforcée sur l'avenue Habib Bourguiba, située à proximité du lieu de l'explosion et où se trouve notamment le ministère de l'Intérieur.

Ce nouvel attentat intervient en plein festival international de cinéma - les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) - dans le centre de la capitale.

Son directeur Ibrahim Letaïef a exprimé le souhait des organisateurs de poursuivre mercredi. «C'est la seule manière de répondre à ces actes barbares», a-t-il dit à l'AFP.

À l'étranger, l'attentat a été condamné «avec la plus grande fermeté» par le président français François Hollande. «A Tunis comme à Paris, c'est le même combat pour la démocratie contre l'obscurantisme», a-t-il affirmé.

Les États-Unis ont aussi «fermement condamné l'attaque terroriste» de Tunis, selon un communiqué du département d'État et ont assuré qu'ils continueraient «à soutenir le peuple tunisien qui s'efforce de bâtir un avenir démocratique et prospère pour son pays».

Le Conseil de sécurité de l'ONU, dans une déclaration unanime de ses quinze membres, a appelé à traduire en justice les responsables et les commanditaires de cet «acte de haine».

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a lui aussi condamné l'attentat. «Les Nations unies continueront à être aux côtés du peuple tunisien dans sa lutte contre le fléau du terrorisme et dans ses efforts pour consolider et renforcer sa démocratie», a dit M. Ban.

Un berger décapité

La Tunisie fait face depuis sa révolution en janvier 2011 à un essor de la mouvance djihadiste, responsable de la mort de plusieurs dizaines de militaires et de policiers.

Cette année, deux attentats revendiqués par l'EI ont tué 59 touristes étrangers et un policier, à Sousse en juin et au musée du Bardo à Tunis en mars.

Le ministère de l'Intérieur annonce régulièrement des arrestations de djihadistes présumés. Sept femmes accusées de faire la propagande de l'EI ont été récemment arrêtées, tandis que les autorités ont annoncé avoir interpellé une vingtaine de personnes qui planifiaient, selon elles, des attaques contre des hôtels et des «bâtiments sécuritaires».

Il y a dix jours, un jeune berger a été décapité par des djihadistes sur le mont Mghilla. Un groupe a revendiqué ce meurtre au nom de l'EI, l'accusant d'avoir servi d'informateur aux forces de l'ordre.

Les autorités ont réfuté cette accusation et ont assuré que l'adolescent avait été tué pour avoir refusé de remettre ses bêtes aux djihadistes.

Une opération militaire a été lancée dans la foulée dans le secteur du Mont Mghilla, entraînant la mort d'au moins un soldat et de quatre djihadistes présumés, d'après les autorités.

La Tunisie compte des milliers de ressortissants combattant dans les rangs de groupes extrémistes en Irak, en Syrie et en Libye.

Les autorités disent notamment pâtir de la situation en Libye voisine, où le chaos a permis l'émergence de l'EI. Elles ont entrepris la construction d'un mur frontalier.

PHOTO AP