Le candidat du parti au pouvoir John Magufuli a été élu président de la Tanzanie avec 58,46 % des voix, a annoncé jeudi la Commission électorale, mais l'opposition a immédiatement rejeté ces résultats et revendiqué la victoire.

John Magufuli a obtenu 8 882 935 voix et nettement devancé son principal rival Edward Lowassa (39,97 %, soit 6 072 848 de voix), membre du Chadema (Parti pour la démocratie et le développement), le premier parti d'opposition.

«Je déclare formellement que John Pombe Magufuli a été élu président de la République unie de Tanzanie», a annoncé le président de la Commission électorale nationale (NEC), Damian Lubuva.

Mais M. Lowassa, qui avait fait défection du parti au pouvoir en juillet pour rejoindre le Chadema, a refusé d'accepter ces résultats et revendiqué la victoire, accusant la NEC d'avoir falsifié les chiffres.

«Nous refusons d'accepter cette tentative de déposséder les citoyens de Tanzanie de leurs droits démocratiques, ce qui est exactement ce que fait la Commission électorale nationale en annonçant des résultats qui ne sont pas les vrais résultats», a-t-il déclaré.

«Nous demandons à la Commission électorale nationale d'annoncer qu'Edward Lowassa est le nouveau président de la République unie de Tanzanie», a-t-il déclaré.

M. Magufuli, ministre des Travaux publics dans le précédent gouvernement, qui fêtait son 56e anniversaire jeudi, succède à l'actuel chef de l'État Jakaya Kikwete.

Conformément à la Constitution, celui-ci ne s'est pas représenté à l'issue de son second mandat. Ce choix contraste avec celui de plusieurs de ses pairs sur le continent, qui tentent de modifier la Loi fondamentale de leur pays pour se maintenir au pouvoir.

L'élection de M. Magufuli permet néanmoins au CCM de perpétuer sa mainmise sur le pouvoir, alors qu'il paraissait affaibli par des dissensions internes et des scandales de corruption. Le parti est également assuré d'obtenir la majorité absolue au Parlement.

Le CCM, parti unique jusqu'en 1992 - et auparavant la Tanu (Union nationale africaine du Tanganyika) dont il est issu - est au pouvoir depuis la création de la Tanzanie, née en 1964 de la fusion entre le Tanganyika continental et Zanzibar.

L'avance du CCM sur ses adversaires s'est cependant érodée par rapport aux scrutins précédents. M. Kikwete avait été très confortablement élu en 2005 (80 % des suffrages exprimés) et réélu en 2010 (61,17 %). Plusieurs ministres, secrétaires d'État et poids lourds du CCM ont aussi perdu leur siège au Parlement.

Message brouillé

M. Magufuli a mené une campagne axée sur la lutte contre la corruption et a tenté de se distancier du bilan de son propre parti.

De nombreux défis l'attendent, dont celui de maintenir la croissance (7 % sur les deux dernières années, selon la Banque mondiale) et de diversifier une économie encore largement axée sur le secteur agricole, lequel emploie 75 % de la main-d'oeuvre et représente 25 % du PIB.

Les quatre principaux partis d'opposition réunis dans la coalition Ukawa ont peut-être eu le tort de brouiller leur message anticorruption en désignant M. Lowassa, 62 ans, comme candidat.

Premier ministre de 2005 à 2008, ce dernier avait dû démissionner pour son implication présumée dans un scandale de corruption, même s'il avait démenti avec véhémence les accusations.

L'élection de M. Magufuli signifie aussi que Samia Suluhu Hassan deviendra la première femme vice-présidente de la Tanzanie. Conformément à la Constitution, celle-ci est originaire de l'archipel semi-autonome de Zanzibar.

La NEC a proclamé les résultats à l'échelon national en dépit de l'annulation des élections à Zanzibar, où quelque 500 000 électeurs devaient désigner leur propre président et leurs députés, mais aussi le nouveau président tanzanien.

Le président de la Commission électorale de Zanzibar (ZEC), Jecha Salim Jecha, a décidé mercredi d'invalider les élections sur l'archipel en raison de fraudes et de convoquer un nouveau scrutin.

L'actuel vice-président et chef du principal parti d'opposition de l'archipel, le Front civique uni (CUF), Seif Sharif Hamad, s'était déclaré dès lundi vainqueur de l'élection présidentielle locale, avant toute annonce officielle de résultats.

Le CUF a rejeté jeudi la décision de la commission électorale locale, estimant que la tenue de nouvelles élections était «inacceptable».

La situation à Zanzibar a provoqué l'inquiétude des chancelleries occidentales. Les États-Unis se sont dits «gravement préoccupés» et ont demandé à ce que la ZEC «revienne» sur sa décision.

Le calme régnait jeudi sur l'archipel, les gens reprenant leurs activités normales, selon la police locale.