Le journaliste canadien Mohamed Fahmy et son collègue Baher Mohammed, tous deux employés de la chaîne d'information Al-Jazira, ont reçu le pardon présidentiel égyptien mercredi.

En tout, ce sont 100 personnes, dont des dizaines de militants des droits de l'homme, qui ont reçu le pardon du président Abdel-Fattah al-Sissi à la veille de la grande fête musulmane de l'Aïd al-Adha, qui est habituellement l'occasion de gracier des prisonniers.

La décision tombe alors que le président égyptien doit se rendre jeudi à New York pour assister à l'Assemblée générale des Nations unies.

«Je suis libre! Cette fois pour vrai! Les policiers m'ont déposé à CAC, mon ancienne école secondaire, dans ma tenue de prison. C'est la fête!», a écrit M. Fahmy sur Twitter, quelques instants après sa libération..

Plus tard, s'adressant à des journalistes, M. Fahmy a dit qu'il avait peine à le croire.

«Nous n'avons pas digéré le fait que nous sommes libres, que nous n'avons pas à nous inquiéter de rien d'autre, a-t-il déclaré. Nos familles ont tellement souffert depuis le début de ce procès et nous sommes très heureux que M. El-Sissi ait pris cette mesure et nous ait libérés.»

Sa femme, Marwa Omara, était en visite à la prison lorsqu'elle a appris la nouvelle sur une télévision allumée.

«Je m'inquiétais pour sa santé après une telle joie», a-t-elle dit. L'un de leurs premiers projets sera de faire une grande fête pour célébrer leur récent mariage.

L'avocate de Mohamed Fahmy s'est réjouie de la nouvelle.

«Ç'a été une longue épreuve, et nous sommes reconnaissants au président Sissi d'avoir utilisé son pouvoir pour pardonner les deux journalistes», a exprimé Me Amal Clooney par voie de communiqué.

«C'est un jour historique en Égypte où le gouvernement a finalement rectifié une longue injustice et libéré deux hommes innocents.»

Le ministre canadien des Affaires étrangères, Rob Nicholson, s'est dit heureux d'apprendre la libération de M. Fahmy.

«C'était une priorité pour le gouvernement, a déclaré M. Nicholson lors d'un événement à Toronto. Je peux vous dire qu'à la suite de ma conversation avec le ministre égyptien des Affaires étrangères, il y a quelques semaines, j'étais à la fois optimiste et encouragé par les commentaires qu'il avait faits. Je suis donc heureux de voir que ça s'est concrétisé et ravi d'apprendre qu'il y a eu pardon.»

Al-Jazira, basé à Doha, au Qatar, n'a pas immédiatement commenté la nouvelle, mais un reportage sur son site anglophone dit que le réseau «continue de demander que toutes les accusations et peines contre ses journalistes soient retirées» malgré la libération des deux autres.

«J'étais sûr que le président allait rendre une telle décision. Mohammed est un journaliste professionnel et innocent, a dit à l'Associated Press son avocat, Khaled Abu Bakr. Cette décision aura un impact positif sur aux niveaux médiatique et international.»

Réactions d'Ottawa

Les politiciens fédéraux ont réagi mercredi matin à l'annonce de la libération de Mohamed Fahmy, qui a renoncé à sa nationalité égyptienne au cours de son procès dans l'espoir d'être expulsé vers le Canada.

Le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a affirmé dans un communiqué être «ravi des progrès accomplis dans le dossier de M. Fahmy et de la nouvelle de sa libération prochaine», soulignant toutefois que la grâce présidentielle «a été longue à venir».

M. Trudeau a précisé compter sur le premier ministre Harper «pour qu'il fasse tout ce qui est possible pour aider à la libération» du journaliste.

Chez les néo-démocrates, c'est le candidat et député sortant Paul Dewar, porte-parole en matière d'Affaires étrangères du NPD, qui a accueilli la nouvelle «avec joie» au nom de son parti.

Même s'ils se disent «extrêmement contents» de la libération de M. Fahmy, les néo-démocrates rappellent avoir «soulevé le problème à de nombreuses reprises au Parlement» et «demandé au premier ministre d'intervenir personnellement», précise leur communiqué.

«Nous devons en tirer des leçons et trouver des façons de mieux protéger les citoyens canadiens qui sont à l'étranger», conclut M. Dewar.

La chef du Parti Vert, Elizabeth May, s'est aussi dite «soulagée» par la décision du président al-Sissi dans un court communiqué. Surtout qu'à son avis, M. Fahmy «n'aurait pas dû être condamné dès le départ».

«Plusieurs Canadiens, dont moi, ont demandé à Stephen Harper d'agir pour soutenir un citoyen canadien innocent qui a été emprisonné durant plus d'un an, écrit Mme May. Son omission de le faire a prolongé l'épreuve de M. Fahmy.»

Le gouvernement conservateur soutient le contraire. «Le Canada a toujours insisté au plus haut niveau pour obtenir sa libération et son retour au Canada», assure la ministre d'État aux Affaires étrangères et consulaires Lynne Yelich dans un court communiqué.