L'interdiction en République démocratique du Congo du film consacré au combat du gynécologue congolais Denis Mukwege en faveur de milliers de femmes violées est «inadmissible», estime le représentant spécial de l'ONU dans ce pays, Martin Kobler, dans un communiqué rendu public mercredi à Kinshasa.

M. Kobler, chef de la Mission de l'ONU en RDC (MONUSCO), estime que l'interdiction de ce documentaire, L'Homme qui répare les femmes, est «une atteinte inadmissible à la liberté d'expression», a déclaré le chef de l'information publique de la MONUSCO, Charles Bambara, lors d'une conférence de presse à Kinshasa.

La liberté d'expression est «garantie par la Constitution congolaise et les lois internationales» et «M. Kobler demande donc instamment aux autorités congolaises de revenir sur leur décision», a ajouté M. Bambara.

Pour M. Kobler, a encore indiqué M. Bambara, il importe de «laisser les cinéphiles juger par eux-mêmes de la pertinence et des arguments développés dans ce film pour se faire une idée du drame vécu par des milliers de femmes congolaises violées» dans l'est de la RDC.

«De la même façon que nous dénonçons ces viols de ces femmes, de la même façon donc nous nous élevons contre toute tentative de censure qui pourrait empêcher l'effort de sensibilisation de la population contre le viol et (toute) autre forme de violence faite aux femmes», a conclu M. Bambara au nom du chef de la MONUSCO.

Les autorités congolaises ont annoncé le 2 septembre avoir interdit la diffusion du film en RDC, en arguant que ce documentaire récompensé par plusieurs prix internationaux témoigne d'une «volonté manifeste de nuire» à l'armée congolaise et de «salir» son image.

Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, avait alors accusé le cinéaste belge Thierry Michel, auteur de plusieurs films sur le Congo, de faire mentir dans son commentaire les témoignages de personnes apparaissant à l'écran - des accusations qu'a par la suite réfutées le réalisateur.

Interrogé mercredi par l'AFP sur la déclaration de M. Kobler, M. Mende a souligné que Kinshasa avait pris sa décision en toute souveraineté et qu'elle rejetait la «tentative d'ingérence» de la MONUSCO dans une affaire qui ne la concerne «en rien».

Réalisé par Thierry Michel et sa compatriote journaliste Colette Braeckman, L'Homme qui répare les femmes montre l'oeuvre du Dr Mukwege dans son hôpital de Panzi, à Bukavu, capitale du Sud-Kivu.

Dans cette institution qu'il a créée en 1999, le Dr Mukwege aide à se reconstruire physiquement et psychologiquement les femmes victimes de viols accompagnés de violences sauvages commis à grande échelle dans l'est de la RDC depuis une quinzaine d'années, d'abord pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), puis au cours des différents conflits armés qui se succèdent ou se superposent dans cette région.

Jeudi, le gynécologue avait estimé que l'interdiction du film était un signe du «climat d'oppression, de dégradation de la situation des droits de la personne et de rétrécissement de l'espace des libertés fondamentales» qui règne en RDC, alors que le pays se prépare pour une série d'élections censées commencer en octobre.