Un tribunal égyptien a publié, dimanche, un jugement détaillé expliquant pourquoi il a condamné le journaliste canado-égyptien Mohamed Fahmy et deux de ses collègues d'Al-Jazira à trois ans de prison pour avoir présenté ce qu'il décrit comme étant de «fausses nouvelles», un cas vivement critiqué par les défenseurs de la liberté de presse et d'autres militants.

Le jugement, qui a été diffusé par l'agence de presse officielle MENA dimanche, affirme que M. Fahmy, le reporter australien Peter Greste et le producteur égyptien Baher Mohammed étaient au service des Frères musulmans, que les autorités égyptiennes considèrent comme étant une organisation terroriste.

«Il a été prouvé hors de tout doute raisonnable que la chaîne médiatique Al-Jazira est au service de la faction Frères musulmans et qu'elle s'est rangée de son côté de façon permanente, aux dépens de leur éthique médiatique, indique le jugement. Cela représente suffisamment de motifs pour une condamnation d'appartenance à un groupe fondé sur des violations de la loi.»

De plus, l'arrêté ajoute que les trois hommes ont fait preuve de partialité dans leurs reportages, ne possédaient pas les accréditations journalistiques requises et travaillaient secrètement depuis un hôtel du centre-ville du Caire sans permis.

Mohammed Fahmy et Baher Mohammed sont présentement emprisonnés en Égypte depuis le weekend dernier, alors que M. Greste a été expulsé du pays avant le procès. Les journalistes et la chaîne Al-Jazira rejettent les accusations.

Leur procès, qui se prolonge depuis des mois, est enchevêtré dans un conflit politique plus large entre le Qatar, où est basé le réseau Al-Jazira, et l'Égypte, depuis le renversement par l'armée égyptienne du président islamiste Mohammed Morsi, membre des Frères musulmans. Le Qatar est un allié important des Frères musulmans. Le Caire accuse ainsi Al-Jazira d'être le porte-voix des partisans de M. Morsi, ce que réfute le réseau de télévision.

Les preuves présentées au tribunal étaient peu usitées: des vidéoclips de musique, des images d'animaux, que les avocats de la défense et même le juge ont rejetés pour leur manque de pertinence. Selon des observateurs extérieurs au procès, aucune preuve n'appuie les accusations. Certains croient qu'il s'agit d'un procès politique.

Les hommes ont demandé le pardon du président, Abdel-Fattah el-Sissi, qui a lui-même exprimé son regret envers ce procès et le tort qu'il a fait à la réputation internationale de l'Égypte. Il a affirmé qu'il aurait été plus simple de simplement déporter les journalistes.

Al-Jazira attendait les détails du jugement, qui devait être dévoilé dans les 30 jours suivant le verdict, pour le porter en appel.

Mohammed Fahmy a été arrêté avec ses deux collègues en décembre 2013, lorsque les forces de la sécurité égyptienne ont effectué une descente dans une suite d'hôtel utilisée par les correspondants en Égypte d'Al-Jazira. Les journalistes avaient pris cet hôtel pour quartier général après que leur bureau près de la place Tahrir eut aussi été réquisitionné par la police.

Ils ont été accusés de soutenir les Frères musulmans, un groupe islamiste interdit en Égypte dont fait partie le président déchu. Ils ont aussi été accusés de fabriquer du matériel compromettant la sécurité nationale.

Les trois ont initialement été condamnés le 23 juin 2014, MM. Greste et Fahmy à sept ans de prison, M. Mohammed à 10 ans. Ce verdict a ensuite été renversé par la Cour de cassation, qui a ordonné un nouveau procès, qui s'est terminé la semaine dernière.