Bosco Ntaganda a été l'un des principaux artisans des violences qui ont «décimé» le nord-est de la République démocratique du Congo en 2002 et 2003, a affirmé mercredi la procureure de la Cour pénale internationale à l'ouverture du procès pour crimes contre l'humanité de l'ancien chef de guerre.

«Bosco Ntaganda était l'un des commandants les plus importants et a ordonné des attaques et la mort» de civils, a affirmé la procureure Fatou Bensouda devant la cour à La Haye : «cette affaire concerne la violence qui a décimé la région de l'Ituri, tuant des centaines de civils, en laissant des milliers vivre de rien dans la forêt».

D'une voix presque inaudible et dans sa langue natale, le kinyarwanda, l'accusé, vêtu d'une chemise blanche et d'une cravate grise rayée, a répété qu'il plaidait «non coupable de toutes les charges retenues».

Bosco Ntaganda, 41 ans, est accusé de 13 crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité, dont des meurtres, pillages, attaques contre des civils, viols et esclavage sexuel.

L'accusé était chef adjoint de l'état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), milice à prédominance Hema qui visait, selon l'accusation, les populations perçues comme appartenant aux ethnies Lendu, Bira et Nande.

Un civil lendu, le témoin P-106, a ainsi découvert en février 2003 dans un champ de bananes les corps de sa femme et de ses quatre enfants, raconte la procureure : son jeune fils avait été éviscéré et égorgé, tout comme sa femme. Sa fille, un bébé de sept mois, avait la tête fracassée.

«Viols à grande échelle»

«La population a été traumatisée par les violences sexuelles», a ajouté Fatou Bensouda, sous le regard impassible de l'accusé, qui a gardé sa fine moustache emblématique.

M. Ntaganda est le premier accusé en droit pénal international qui doit répondre de viols et esclavage sexuel commis sur des enfants de sa propre milice.

Les viols étaient organisés à «si grande échelle» que des antibiotiques contre les maladies sexuellement transmissibles ont été distribués à plusieurs reprises aux soldats, a affirmé Nicole Samson, une représentante du bureau du procureur.

L'accusation s'appuie notamment sur des extraits vidéos de l'époque, des photos, des cartes et des analyses médico-légales, dont celle du crâne d'un enfant âgé de 12 ans au moment de sa mort.

Plusieurs jours sont prévus pour l'ouverture du procès : Mme Bensouda s'exprimait la première, puis l'accusation laissera la parole aux avocats des victimes, à l'avocat de M. Ntaganda et enfin à l'accusé lui-même.

Le premier témoin s'exprimera le 15 septembre.

Devenu général dans l'armée congolaise de 2007 à 2012, Bosco Ntaganda était le fugitif le plus recherché dans la région des Grands Lacs jusqu'à ce qu'il se rende, de manière inopinée, à l'ambassade américaine de Kigali, au Rwanda, en mars 2013, pour demander son transfert à la CPI.

Grand, de corpulence moyenne, teint clair, imbu de lui-même, Ntaganda est réputé, partout où il est passé, pour avoir la «gâchette facile». Il a été surnommé «Terminator», «Maréchal» ou encore «Tango Roméo».

«Profiter des tensions ethniques»

Même s'il n'est poursuivi que pour les violences en Ituri en 2002 et 2003, Bosco Ntaganda a été de toutes les guerres qui ont déchiré la région, du génocide des Tutsis au Rwanda (1994) à la dernière rébellion du Mouvement du 23 mars (M23).

Ces conflits, qui ont impliqué les armées d'au moins six nations africaines dans cette région riche en minerais, ont entraîné des violences inouïes sur les civils, ont causé la mort de trois millions de personnes, selon les ONG, et créé une instabilité profonde dans l'Est congolais.

«Il ne s'agit pas du procès d'un groupe ethnique, c'est le procès d'un individu qui a profité des tensions ethniques en Ituri à des fins personnelles, pour atteindre le pouvoir et la richesse», a affirmé Mme Bensouda.

Au cours du procès, l'accusation devrait présenter plus de 8000 documents, dont des rapports d'experts, extraits vidéo et déclarations. Plus de 70 «témoins de faits» et une dizaine d'experts témoins seront cités.