Le bilan de l'attaque d'un village reculé de l'État de Yobe, dans le nord-est du Nigeria, par le groupe islamiste Boko Haram s'est alourdi: 160 personnes sont mortes, ont déclaré des habitants mercredi, un chiffre contesté par les autorités.

Des habitants du village de Kukuwa-Gari, dans l'État de Yobe, ont déclaré que plus de 160 personnes sont mortes noyées ou ont été abattues alors qu'elles fuyaient l'attaque de dizaines de membres de Boko Haram, arrivés sur des motos et dans une voiture jeudi dernier.

Les autorités contestent cependant ce bilan : selon un responsable local, l'attaque n'aurait fait que 50 victimes, alors que le porte-parole des forces armées, le colonel Sani Kukasheka Usman, semble suggérer que l'attaque n'a pas eu lieu du tout.

«Les histoires qui font le tour des médias sur le supposé massacre et la noyade de plus de 100 civils ... ne sont pas fondées», a-t-il déclaré dans un communiqué mercredi, qui ne précise pas si l'armée s'est rendue sur les lieux ou a parlé à des habitants du village. Les tentatives de l'AFP pour contacter l'armée n'ont pas abouti.

Le bilan des morts à Kukuwa-Gari établi par les villageois, s'il était confirmé, serait le plus lourd pour une seule attaque de Boko Haram depuis l'investiture le 29 mai du président Muhammadu Buhari, qui a érigé en priorité la lutte contre les islamistes.

La communication avec le village de Kukuwa-Gari est presque impossible, mais des habitants ayant fui vers des villages voisins ont déclaré que 160 corps avaient été enterrés.

De nombreux villageois craignent de retourner chez eux tant que les autorités ne reconnaîtront pas l'attaque.

«Beaucoup d'entre nous qui ne sont encore rentrés ont décidé de ne pas le faire, étant donné cette position de l'armée», a déclaré un habitant de Kukuwa-Gari, Modu Balumi, qui a fui vers l'État de Gombe voisin.

«Le fait que le massacre de Kukawa-Gari n'ait été signalé que cinq jours après suggère qu'il n'y avait probablement aucune présence discernable des forces de sécurité dans la région au moment de l'attaque», estime Ryan Cummings, analyste de la société de conseil en sécurité Red24 et fin connaisseur de la rébellion nigériane. «Un élément préoccupant étant donné que le gouvernement nigérian est en train de faciliter le repeuplement de zones qui ont été reprises à Boko Haram», a-t-il estimé.

L'armée a par ailleurs indiqué avoir mené un raid aérien sur la forêt de Sambisa (dans l'État du Borno voisin), bastion de Boko Haram, et que des combats étaient en cours.

L'insurrection de Boko Haram et sa répression par l'armée ont fait plus de 15.000 morts au Nigeria depuis 2009, essentiellement dans le nord majoritairement musulman.