Des villageois nigérians sous le choc ont décrit mercredi le carnage provoqué la veille par l'explosion d'une bombe sur un marché dans le nord-est du Nigeria, fief du groupe islamiste Boko Haram, et dont le bilan s'est alourdi, passant de 47 à 50 morts, et 51 blessés.

La bombe, cachée dans un sac à dos contenant un pulvérisateur pour cultures, a frappé mardi, à une heure de grande affluence, le marché hebdomadaire du village de Sabon Gari, situé à environ 135 km au sud de Maiduguri, capitale de l'État de Borno.

«Le marché était parsemé de toutes sortes de choses. Dans la section téléphonie mobile», où a explosé la bombe, «c'était la pagaille, avec des cadavres et des morceaux de chair et du sang partout», a décrit à l'AFP Samaila Biu, un marchand.

C'est au plus fort de l'affluence que la bombe a été déclenchée, vers 13H15, au beau milieu des commerçants et des clients, a expliqué M. Biu.

Le bilan de l'attentat a été revu à la hausse au cours de la nuit par les autorités, qui ont rapporté trois victimes supplémentaires, portant à 50 le nombre de morts.

«Une personne est morte des suites de ses blessures, et deux corps, provenant des alentours du lieu de l'explosion, ont été apportés à la morgue. Il y a désormais 50 morts et 51 blessés», a expliqué à l'AFP un infirmier à l'hôpital général de Biu, à 50 kilomètres de là.

Sous le choc

Yuram Bura, membre d'un groupe d'autodéfense combattant Boko Haram au côté de l'armée, a précisé que ces deux corps n'avaient été trouvés que plus tard dans la soirée, à l'écart du marché.

«Nous pensons qu'ils ont réussi à fuir les lieux tout en étant blessés, mais qu'ils sont morts sur le chemin», a-t-il expliqué à l'AFP.

Mercredi, des dizaines de soldats formaient un cordon de sécurité autour du marché, dont le sol, maculé de sang, était jonché de chaussures et de vêtements. Des patrouilles de police étaient organisées dans le reste du village.

«Le village reste sous le choc, bien que la plupart des victimes n'étaient pas d'ici et venaient faire leur marché», a expliqué M. Bura.

L'attaque n'a pas été revendiquée, mais pour les témoins, l'explosion porte la marque de Boko Haram, le groupe islamiste qui a multiplié ces dernières semaines des attentats à la bombe dans des lieux particulièrement fréquentés, comme des stations de bus, des marchés, des mosquées ou des églises.

Washington a condamné l'attaque et assuré que les États-Unis continueraient à fournir «plusieurs formes d'assistance contre le terrorisme pour aider le Nigeria et ses partenaires régionaux».

«Brutalité absurde»

«Nous continuons à travailler étroitement avec le gouvernement nigérian et nos partenaires internationaux pour combattre Boko Haram et assister les nombreuses victimes de cette brutalité absurde», a ajouté le porte-parole du département d'État, John Kirby, dans un communiqué.

Depuis 2009, l'insurrection du groupe islamiste Boko Haram et sa répression par les forces de l'ordre nigérianes ont fait plus de 15 000 morts.

Une nouvelle vague de violences frappe le nord-est du Nigeria depuis l'investiture, le 29 mai, du président Muhammadu Buhari, qui a érigé en priorité la lutte contre les islamistes. En deux mois, plus de 800 personnes y ont été tuées.

Pour Ryan Cummings, analyste en chef de la sécurité de la société de conseil sud-africaine Red 24, l'attaque de mardi montre «un retour de Boko Haram à une guerre asymétrique traditionnelle».

«En menant des attaques sporadiques ciblant des intérêts civils à travers une grande partie du Nigeria, Boko Haram a créé l'impression, démoralisante, qu'il constituait une menace de tous les instants, capable de nuire aux Nigérians n'importe où et n'importe quand», a-t-il estimé.

«Avec des attaques hors de ses principaux bastions, en particulier quand il cible des centres urbains, Boko Haram absorbe et accapare des personnels de sécurité qui auraient pu être utilisés pour le combattre dans ses bastions opérationnels», a ajouté M.