Les rebelles du Soudan du Sud ont annoncé mercredi s'être séparés d'un important commandant militaire, au risque de compliquer la situation dans ce jeune pays frappé par une guerre civile dont les atrocités ont été dénoncées par un nouveau rapport de Human Rights Watch.

Le chef des rebelles Riek Machar, ex-vice-président du pays, a limogé l'influent seigneur de guerre Peter Gadet qui fait l'objet de sanctions des Nations Unies, une décision qualifiée de «remaniement ordinaire», par le porte-parole de la rébellion, Mabior Garang.

Peter Gadet qui est accusé d'avoir abattu un hélicoptère des Nations Unies en août 2014 causant la mort de trois Russes, ce qu'il a toujours nié, a été remplacé par le général James Koang Chuol, un autre militaire également sur la liste noire des Nations Unies.

Mais selon un diplomate supervisant les pourparlers de paix à Addis Abeba en Éthiopie, où au moins sept cessez-le-feu ont déjà été signés et rapidement brisés, cette décision devrait compliquer la mise en oeuvre d'un accord durable de paix.

«Toute division supplémentaire dans les forces de l'opposition rend plus difficile la mise en pratique d'un accord sur le terrain», a-t-il indiqué.

La guerre civile a débuté en décembre 2013 dans la capitale Juba lorsque le président Salva Kiir, un Dinka, a accusé son vice-président Riek Machar, un Nuer tout juste limogé, de fomenter un coup d'État.

Leur rivalité politique a rapidement dégénéré en un conflit ethnique marqué par une scission de l'armée et des massacres entre les deux ethnies, qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de victimes.

Mercredi, l'ONG Human Rights Watch a publié un rapport accablant dénonçant de graves exactions de l'armée sud-soudanaise, commises sur des civils entre avril et juin 2015.

Le document intitulé Ils ont tout brûlé compile 174 témoignages de victimes recueillis dans l'État d'Unité (nord) et fait état d'«attaques délibérées contre des civils», constitutives de crimes de guerre, selon HRW.

Selon HRW, les troupes sud-soudanaises principalement des Dinka auraient écrasé des civils avec leurs chars, perpétré de nombreux viols et brûlé vifs des villageois, ciblés selon des critères ethniques, les victimes étant majoritairement des Nuer.

L'organisation rapporte que ces exactions auraient été commises avec l'aide d'une milice de l'ethnie Bul Nuer, un sous-groupe des Nuer.

«Ils ont poursuivi les gens avec leurs tanks et une fois qu'ils les ont écrasés, ils ont fait marche arrière pour les achever et s'assurer qu'ils étaient bien morts», a expliqué une femme à l'ONG spécialisée dans la défense des droits de l'homme.

Le viol, une arme «banale»

L'organisation rend également compte de meurtres «de civils, hommes, femmes, mais aussi enfants et personnes âgées, pendus, fusillés et même brûlés vifs».

En avril, l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA - forces gouvernementales) a lancé une grande offensive contre les rebelles, notamment dans l'État d'Unité, riche en pétrole.

Plus de 100 000 civils sont réfugiés dans le camp de base des Nations Unies de Bentiu, capitale de l'État d'Unité, une population supérieure à celle de la ville elle-même, complètement en ruines après avoir changé de mains à plusieurs reprises pendant la guerre.

Après plusieurs années de travail au Soudan du Sud, les auteurs du rapport qualifient de «sidérante» l'ampleur des destructions alors que des dizaines de milliers de têtes de bétail ont été volées, privant la population de sa principale source de revenus.

Dans son document, HRW rend également compte de 63 cas de viols, mais estime qu'il ne s'agit que d'une «partie» du nombre total.

«Cela inclut des viols collectifs brutaux, commis en public avec des menaces de mort», décrit le rapport.

Une femme a affirmé que le viol était devenu «banal». «Un homme a braqué un pistolet derrière ma tête et m'a dit "regarde comme nous allons violer ta fille"», raconte une victime.

Les forces rebelles sont elles aussi accusées d'avoir commis des viols, des meurtres et, comme le gouvernement, d'avoir recruté des enfants-soldats.

L'armée n'a pas souhaité répondre aux accusations de HRW. Début juillet, le gouvernement avait annoncé enquêter sur des accusations de l'ONU selon lesquelles ses troupes avaient violé et brûlé vives des jeunes filles.

PHOTO BBC.COM

Peter Gadet