À deux jours d'une présidentielle controversée au Burundi, la médiation ougandaise a «ajourné sine die» dimanche, en l'absence des délégués du camp présidentiel, le dialogue entamé entre le pouvoir et ses adversaires pour sortir le pays de la crise qu'il traverse depuis fin avril.

Aucun représentant du gouvernement, du parti au pouvoir CNDD-FDD ou de ses alliés ne s'est présenté dimanche à l'hôtel de Bujumbura où se tiennent les discussions, ajournées la veille après des débats houleux, au cours desquels le pouvoir avait accusé ses adversaires d'être «tous des putschistes».

Ceux-ci avaient reproché en retour au camp présidentiel de vouloir gagner du temps pour ne pas aborder avant le scrutin mardi la question du report de la présidentielle, exigé par l'opposition et la société civile, qui jugent que la Constitution interdit au chef de l'État de se représenter.

Le ministre burundais de l'Intérieur, Edouard Nduwimana, avait annoncé tôt dimanche vouloir «interrompre» les pourparlers «pour déterminer si nous continuons ce dialogue parce (...) que pendant que nous étions en train de dialoguer, d'autres étaient en train de préparer autre chose».

La candidature du président Pierre Nkurunziza, qui brigue un troisième mandat, a plongé depuis fin avril le Burundi dans une grave crise émaillée de violences ayant fait plus de 80 morts. Ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs, à l'histoire postcoloniale jalonnée de coups d'État et de massacres entre hutu et tutsi, a été traumatisé par une longue guerre civile.

Le gouvernement a déjoué à la mi-mai une tentative de coup d'État militaire et finalement mis fin, à la mi-juin, à un mois et demi de manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura par une brutale répression. Mais il a essuyé depuis une série d'attaques à la grenade et est confronté, depuis une semaine, à des combats et escarmouches entre armée et rebelles au nord du pays, dans la zone frontalière avec le Rwanda.

«Il faut être deux pour dialoguer, l'absence du gouvernement signifie que nous devons suspendre jusqu'à ce qu'il soit prêt à continuer le dialogue» a expliqué le médiateur ougandais, Crispus Kiyonga à la presse. «Nous avons attendu, passé des coups de fil et nous n'avons vu personne du gouvernement; nous n'avons reçu aucune réponse à nos appels téléphoniques», a-t-il déploré.

«Processus au point mort»

«Le dialogue n'est pas terminé», a néanmoins assuré le médiateur. «Dès que nous serons prêts, nous reviendrons» aux discussions, a-t-il affirmé, «nous devons donner une chance au gouvernement (...) personne n'a dit qu'il quittait la table des négociations».

Les discussions «n'ont pas échoué», des «résultats» ont été obtenus, a poursuivi le ministre ougandais de la Défense, qui a pris le relais jeudi à Bujumbura de son président, Yoweri Museveni, mandaté par ses pairs de la Communauté est-africaine (EAC) pour assurer la médiation entre acteurs de la crise burundaise.

«Un, c'était la première fois que l'opposition et le gouvernement s'asseyaient ensemble; deux, ils se sont mis d'accord sur quels étaient les problèmes; trois, ils ont commencé à discuter et sont parvenus à un consensus sur le sujet de la sécurité» et du retour des 150 000 réfugiés qui ont fui dans les pays voisins le climat préélectoral délétère au Burundi, a souligné M. Kiyonga.

Les adversaires de M. Nkurunziza estiment que sa candidature viole la Constitution et l'accord d'Arusha, dont la signature en 2000 a permis la fin de la guerre civile entre l'armée - alors dominée par la minorité tutsi - et des rébellions hutu, qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006.

«Le processus est au point mort» et «la situation sécuritaire peut dégénérer à tout moment», a estimé dimanche un cadre de l'EAC.

Léonce Ngendakumana, président de l'ADC, principale coalition de l'opposition burundaise, a fait part dimanche de sa «déception et désolation». «Le gouvernement a pris l'option de s'isoler et de poursuivre les pseudo-élections, pour qu'on reprenne les discussions après les élections, ce qui n'aura pas de sens», a-t-il déclaré à l'AFP.

Selon Innocent Muhozi, représentant de la société civile, le camp présidentiel «cherche depuis le début le fait accompli électoral, tout en faisant semblant de négocier». «Les masques sont tombés», a-t-il estimé.