Le Soudan du Sud marque jeudi le quatrième anniversaire de son indépendance affublé d'un triste qualificatif de l'ONU : le pays, selon un rapport consacré aux ravages de la guerre, se situe «tout en bas de l'échelle en terme de développement humain».

Femmes et filles victimes de viols collectifs, garçons émasculés, armées d'enfants-soldats : les atrocités s'enchaînent dans ce pays ravagé par 18 mois de conflit, mettant tous les jours un peu plus en lumière l'impuissance de la communauté internationale à enrayer l'escalade de la violence.

Ni les sanctions, ni les pressions de soutiens-clés comme les États-Unis ou même la Chine, autrefois très présente dans un secteur pétrolier désormais largement détruit, ne semblent avoir de prise sur les belligérants, le camp du président Salva Kiir ou celui de son ex-vice-président et rival Riek Machar.

La guerre civile sud-soudanaise a éclaté mi-décembre 2013, avec des combats au sein de l'armée sud-soudanaise, fracturée le long de lignes politico-ethniques par la rivalité à la tête du régime entre Kiir et Machar. Diverses milices tribales se sont jointes, d'un côté ou de l'autre, aux combats, accompagnés de massacres ethniques et exactions.

Kiir et Machar ont tous deux reconnu une part de «responsabilité collective dans la crise». Ils ont même signé jusqu'à sept cessez-le-feu. Mais tous ont été violés en quelques jours ou quelques heures. Les deux hommes se sont encore rencontrés fin juin, mais aucun «résultat tangible» n'est ressorti de la réunion, selon un porte-parole du camp Machar.

Les pourparlers de paix sont soutenus à coups de millions de dollars par une communauté internationale qui avait déjà largement parrainé le processus d'indépendance du pays. Ils n'ont jusqu'ici donné aucun résultat, mais les diplomates étrangers continuent de s'y accrocher pour éviter que le pays ne sombre encore plus dans l'horreur.

Sanctions controversées

D'autant qu'une approche radicale, à coup de sanctions, est loin de faire l'unanimité.

Pour la première fois la semaine dernière, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé de sanctions contre six généraux - trois dans chaque camp : des gels d'avoir et interdictions de voyager.

«Ceux qui commettent des atrocités et minent la paix en paieront les conséquences», a averti l'ambassadrice des États-Unis auprès de l'ONU, Samantha Power.

Mais trois des généraux visés étaient déjà sous sanctions américaines et européennes. Sans aucun effet sur le conflit.

Juste avant l'adoption des sanctions onusiennes, l'International Crisis Group avait mis en garde contre leur effet contre-productif : non seulement ces généraux ne sont pas à la tête du commandement - Kiir et Machar n'ont eux-mêmes jamais été sérieusement inquiétés -, mais la plupart soutiennent aussi «un règlement négocié et leur soutien sera crucial pour toute application d'un éventuel accord de paix».

John Prendergast, de l'Enough Project, estime quant à lui que des sanctions peuvent aider à «lutter contre le climat d'impunité» qui règne dans le pays, mais également que davantage doit être fait contre «des responsables plus haut dans la chaîne hiérarchique».

L'ex-chef des opérations humanitaires de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer, récemment expulsé du pays pour avoir mis en garde contre la catastrophe économique qui s'y joue également, a aussi fustigé «l'intransigeance politique» des dirigeants sud-soudanais, qui alimente selon lui le conflit mois après mois.

«La poursuite des hostilités, au complet mépris des souffrances de la population, équivaut au renoncement des dirigeants sud-soudanais à leurs responsabilités les plus fondamentales», a encore estimé le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine.

Un rapport commandité par l'UA a révélé que Kiir et Machar étaient tous deux responsables «de massacres organisés» et recommandait que les deux dirigeants soient exclus de la vie politique. Il a fait l'objet de fuites, mais n'a jamais été officiellement publié, de peur que ses recommandations radicales ne torpillent des pourparlers de paix déjà fragiles.

Car aussi infructueux soient-ils, ces pourparlers sont encore, de l'avis de diplomates, la meilleure option.

«Des sanctions contre les dirigeants, c'est un dernier ressort», estime l'un d'eux. «Nous espérons toujours qu'ils se parlent et bouclent un accord».

Mais le temps presse. D'autant que selon l'ONU, les violences ont atteint «une brutalité et une intensité nouvelles», avec un «niveau de cruauté qui (...) suggère une animosité qui dépasse les clivages politiques».