Près de 150 morts: c'est l'effroyable bilan de trois attaques perpétrées par des membres présumés du groupe islamiste Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, qui ont fait de mercredi la journée la plus sanglante depuis l'arrivée au pouvoir de Muhammadu Buhari.

L'attaque du village de Kukawa, proche du lac Tchad, au cours de laquelle au moins 97 personnes ont été tuées mercredi soir, est de loin le pire carnage depuis l'investiture le 29 mai du président Buhari, qui a érigé en priorité la lutte contre les insurgés affiliés au groupe Etat islamique (EI).

Peu après, à une cinquantaine de km de là, dans le même État de Borno, des islamistes lançaient l'assaut sur deux villages voisins à la sortie de Monguno: 48 fidèles musulmans réunis pour la prière du soir ont été fusillés, et les villages ont été entièrement rasés.

En tout, plus de 400 personnes ont péri dans les violences attribuées à Boko Haram depuis un mois, selon un décompte de l'AFP.

À Kukawa, une cinquantaine d'islamistes présumés ont ouvert le feu vers 18H30 sur des fidèles qui priaient dans des mosquées du village, peu après la rupture du jeûne, en plein mois de ramadan, selon des témoins.

«Je peux vous assurer que les assaillants ont tué au moins 97 personnes», a déclaré un témoin, prénommé Kolo, qui affirme avoir compté les cadavres. Kwantami Amodu, un pêcheur du village, a également affirmé à l'AFP avoir dénombré 97 corps.

Selon Malami Abdulkareem, un professeur d'arabe de Kukawa, «les assaillants n'ont pas épargné les enfants qui avaient entre 4 et 12 ans et qui étaient à la mosquée avec leurs pères».

«Certains des terroristes sont restés pour mettre le feu aux cadavres, et d'autres se sont dirigés vers les maisons, et ils se sont mis à tirer dans tous les sens sur les femmes qui préparaient à manger», a raconté Babami Alhaji Kolo, un quatrième témoin.

Une source militaire basée à Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno, a confirmé à l'AFP que «les terroristes de Boko Haram (avaient) lancé une attaque sur Kukawa hier (mercredi)», sans être en mesure de donner de bilan pour l'instant.

«L'armée a riposté en lançant des bombardements aériens sur des positions terroristes», a-t-il ajouté.

«Il n'y avait pas un seul soldat à Kukawa quand les terroristes sont arrivés» et jusqu'à leur départ autour de 23H00, a affirmé M. Amodu depuis Maiduguri, où il a trouvé refuge avec les autres témoins.

Des fidèles rassemblés et fusillés

Mercredi à 20H30, des islamistes présumés ont cette fois attaqué deux villages proches de Monguno, à 90 km au nord de Maiduguri.

«Les hommes armés de Boko Haram ont tué 48 hommes et en ont blessé 11 autres dans l'attaque de deux villages voisins», a indiqué à l'AFP Mohammed Tahir, député de cette circonscription au Parlement nigérian.

«Ils ont sélectionné certains hommes parmi la foule des fidèles, ils les ont réunis et ils les ont fusillés avant de mettre le feu aux deux villages, qui ont été entièrement détruits», a-t-il précisé.

Un rescapé a confirmé ce bilan, sous couvert d'anonymat. «Ils ont réuni les hommes d'âge adulte qui venaient des deux villages et ils nous ont tirés dessus», a-t-il dit depuis Monguno, à 8 km de là, où il a trouvé refuge.

Selon M. Tahir, les assaillants venaient de la région du lac Tchad, non loin, où les insurgés se sont réfugiés après avoir été chassés récemment par l'armée de leur fief de la forêt de Sambisa, plus au sud.

Le vice-président Yemi Osinbajo, en tournée dans cette région cette semaine, a réaffirmé jeudi la détermination de M. Buhari à «mettre fin à l'insurrection terroriste dans le nord-est».

Les attaques de Boko Haram et leur répression par les forces de sécurité ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009 au Nigeria, pays le plus peuplé et première économie d'Afrique.

Une opération militaire régionale lancée en février par le Nigeria et les pays voisins, Tchad en tête, a permis au pouvoir nigérian de reprendre possession de la quasi-totalité des localités du nord-est contrôlées par le groupe armé. Mais les attentats n'ont pas cessé pour autant.