Le procureur général d'Égypte a été tué lundi dans un attentat contre son convoi au Caire, à la suite d'appels du groupe djihadiste État islamique (EI) à s'attaquer au corps judiciaire pour venger l'exécution de ses partisans.

Hicham Barakat, 64 ans, est le plus haut représentant de l'État tué en représailles à la violente répression qui s'est abattue sur les islamistes depuis la destitution par l'armée du président Mohamed Morsi en juillet 2013.

Nommé après cette destitution et considéré comme un opposant acharné des islamistes, le procureur Barakat avait déféré devant la justice des milliers d'islamistes dont des centaines ont été condamnés à mort.

Grièvement blessé dans l'attaque survenue le matin devant une académie militaire dans le quartier huppé de Héliopolis, le procureur a été transporté à l'hôpital où «il est décédé», a déclaré à l'AFP le ministre de la Justice, Ahmed al-Zind.

L'explosion a totalement détruit au moins cinq voitures et fait exploser les vitrines de plusieurs magasins. Des taches de sang étaient visibles dans la rue.

Le procureur est décédé en raison d'une défaillance d'organes liée à la gravité de ses blessures, a déclaré à l'AFP un médecin l'ayant soigné.

Dans une première réaction à l'attaque qui n'a pas été revendiquée, la présidence de la République a assuré, dans un communiqué, que «les auteurs seraient sévèrement punis».

Elle a également annulé les célébrations prévues pour marquer le 2e anniversaire des protestations anti-Morsi du 30 juin 2013 et de la destitution trois jours plus tard du président islamiste.

«C'était comme un séisme» 

L'assassinat du procureur représente un revers pour le président Abdel Fattah al-Sissi, l'ancien chef de l'armée tombeur de M. Morsi et élu en 2014 en promettant de débarrasser le pays des islamistes.

Amnesty International a condamné un meurtre «lâche» mais affirmé que les autorités ne devraient pas utiliser de tels actes «comme un prétexte pour bafouer les droits de l'Homme».

«Il y a eu une forte déflagration qui a fait voler en éclats des vitres, c'était comme un séisme», a raconté un garde du corps du procureur général à l'hôpital.

Selon le porte-parole du ministère de la Santé, Hossam Abdel Gaffar, huit personnes ont été blessées, dont deux civils et cinq policiers chargés de la sécurité du procureur.

Ce dernier circulait à bord d'un véhicule blindé, conçu de manière à le protéger des balles mais pas des explosions, d'après les enquêteurs.

Le chef de la brigade des artificiers, le général Mohamed Gamal, a indiqué qu'il s'agissait soit d'un attentat à la voiture piégée soit d'une bombe fixée sous un véhicule.

Des témoins ont rapporté qu'une des voitures carbonisées appartenait au procureur.

«J'ai entendu une violente explosion et je me suis précipitée vers le site. J'ai vu que la voiture de Barakat était en feu», a déclaré Chayma Abdel Fattah.

«Sérieuse escalade»

Cet attentat est le plus spectaculaire mené contre de hauts responsables depuis la tentative d'assassinat du ministre de l'Intérieur en 2013 revendiquée par Ansar Beït al-Maqdess, un groupe qui a fait allégeance à l'EI.

«Il s'agit d'une sérieuse escalade», a dit Michael Wahid Hanna, un expert égyptien du centre de réflexion Century Foundation basé à New York.

Pour lui, les djihadistes «ne sont pas en mesure de menacer le régime Sissi tant qu'il maintient une certaine cohésion», mais «ils ont le pouvoir de laisser un impact très négatif en Égypte».

Le 21 mai, Ansar Beït al-Maqdess, basé au Sinaï, a appelé ses partisans à s'attaquer aux juges en riposte à la pendaison de six hommes reconnus coupables d'avoir mené des attaques au nom de l'EI qui sévit dans plusieurs pays arabes.

Quelques jours plus tôt, deux juges et un procureur avaient été tués par balles dans le Sinaï, théâtre régulier d'attentats djihadistes visant habituellement les forces de sécurité.

Cette attaque était intervenue quelques heures après que la condamnation à mort M. Morsi, aux côtés d'une centaine d'autres accusés, pour des évasions de prison et des violences durant la révolte de 2011 ayant renversé Hosni Moubarak.

Sous l'autorité de M. Sissi, les forces de sécurité mènent une répression implacable contre toute opposition, islamiste mais aussi de gauche et laïque.

En représailles, des centaines de policiers et de soldats ont été tués dans des attaques djihadistes, essentiellement dans le Nord-Sinaï, mais aussi au Caire et dans le Delta du Nil.