L'ex-président islamiste égyptien Mohamed Morsi, destitué par l'armée en 2013, a été condamné à mort samedi en première instance avec une centaine d'autres accusés pour des évasions de prison et des violences durant la révolte populaire de 2011 contre Hosni Moubarak.

Le guide suprême de sa confrérie des Frères musulmans, Mohamed Badie, figure parmi les dizaines de personnes ayant écopé de la peine capitale qui doit, pour tous les condamnés, recueillir l'avis, non contraignant, du mufti d'Égypte avant d'être confirmée ou infirmée le 2 juin.

Ces nouvelles peines capitales sont prononcées alors que le pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée tombeur de M. Morsi, mène une répression sanglante contre les Frères musulmans, qui avaient remporté toutes les élections démocratiques en 2012 après la chute de Hosni Moubarak, mais aussi contre toute opposition laïque et libérale.

M. Morsi, premier président jamais élu démocratiquement en Égypte, peut faire appel. Il avait déjà été condamné à 20 ans de prison il y a trois semaines dans un premier procès pour des violences contre des manifestants durant sa courte mandature d'un an. Un verdict alors qualifié de «parodie de justice» par Amnesty international.

Espionnage

Le tribunal qui le jugeait au Caire samedi devait prononcer les verdicts dans deux procès.

Le premier concernait M. Morsi et 128 co-accusés, dont des membres des Frères musulmans, du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais, pour des évasions massives de prison suivies d'attaques visant la police pendant la révolte de 2011.

Dans le cadre de cette affaire, des dizaines de personnes ont été condamnées à mort, dont M. Morsi, Mohamed Badie et le prédicateur islamiste qatari Youssef al-Qardaoui. Ce dernier était jugé par contumace.

Le second procès était relatif à une affaire d'espionnage, entre 2005 et 2013, notamment au profit du Hamas, du Hezbollah et de l'Iran.

L'ex-président et 35 autres personnes étaient accusées d'avoir fourni «des rapports de sécurité» à l'Iran et répondaient également d'espionnage en faveur du Hamas et du Hezbollah «en vue de mener des attaques terroristes dans le pays pour y semer le chaos et renverser l'État».

Seize personnes ont été condamnées à mort, dont une femme. Ceux qui ont échappé à la peine capitale dans cette affaire, comme M. Morsi, connaîtront leur sort le 2 juin.

Sur les 165 accusés au total jugés samedi, seuls 50 étaient présents dans le box des accusés, dont M. Morsi, qui comparaissait souriant dans une cage insonorisée.

M. Morsi avait été destitué et arrêté sur les ordres du général Sissi le 3 juillet 2013, après que des millions d'Égyptiens furent descendus dans la rue pour réclamer son départ, lui reprochant d'accaparer tous les pouvoirs au profit de sa confrérie islamiste et d'achever de ruiner une économie déjà au bord du gouffre.

Toute opposition éliminée

Dans les mois qui ont suivi, policiers et soldats ont tué plus de 1400 manifestants pro-Morsi et emprisonné plus de 15 000 Frères musulmans. Des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expédiés parfois en quelques minutes et qualifiés par l'ONU de «sans précédent dans l'Histoire récente» du monde. A ce jour, seul un condamné a été exécuté et les autres ont fait appel.

Si M. Sissi jouit d'une indéniable popularité auprès des Égyptiens qui sont lassés par trois années de chaos après 2011, les organisations internationales de défense des droits de l'Homme accusent son régime d'être plus répressif que celui de M. Moubarak.

Sous la présidence Morsi, Le Caire avait resserré ses liens avec les islamistes du Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza voisine et affilié aux Frères musulmans. Depuis son éviction, le pouvoir égyptien accuse le mouvement palestinien d'avoir soutenu M. Morsi et d'avoir mené des attentats en Égypte.

Mohamed Morsi doit encore être jugé dans deux autres procès, l'un pour «outrage à magistrat» et l'autre pour espionnage au profit du Qatar.

Le président turc Erdogan dénonce la condamnation à mort de Morsi

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé samedi la condamnation à mort de l'ex-président islamiste Mohamed Morsi par un tribunal égyptien, considérant que le pays était revenu à l' «Égypte antique».

L'ancien président égyptien, «qui avait été choisi par 52% des électeurs, a malheureusement été condamné à mort. L'Égypte revient à l'Égypte antique», a fustigé M. Erdogan lors d'un rassemblement à Istanbul, accusant l'Occident de «fermer les yeux» sur le coup d'État de 2013 ayant évincé M. Morsi du pouvoir.

Il a aussi reproché aux Occidentaux «regarder en spectateurs cette exécution en Égypte», leur rappelant que la Turquie comme les pays de l'Union européenne avaient aboli la peine de mort.

Le gouvernement islamo-conservateur de M. Erdogan, alors premier ministre, était un proche soutien de l'islamiste Mohamed Morsi après son élection à la tête de l'Égypte en 2012, espérant qu'il aiderait à ranimer l'influence de la Turquie dans la région.

La Turquie s'était insurgée contre sa destitution par l'armée, une manoeuvre soutenue par l'Arabie Saoudite. Les relations diplomatiques entre l'Égypte et la Turquie s'étaient sévèrement dégradées.

Le président Erdogan a attaqué à de multiples reprises son homologue égyptien actuel Abdel Fattah al-Sissi dans des discours. Avant la condamnation à mort de Mohamed Morsi, des signes de rapprochement semblaient cependant s'être fait jour dans les relations entre les deux pays, alors que la Turquie cherche à améliorer ses rapports avec l'Arabie Saoudite.