Le président burundais Pierre Nkurunziza a regagné vendredi son palais à Bujumbura, où les leaders du putsch raté étaient en fuite ou arrêtés, alors que reprenaient des manifestations hostiles au chef de l'État dans certains quartiers de la capitale.

«Nous avons décidé de nous rendre. J'espère qu'ils ne vont pas nous tuer», a eu le temps de glisser par téléphone à un journaliste de l'AFP le chef des putschistes, le général Godefroid Niyombare, alors que des soldats pro-Nkurunziza l'approchaient.

Le chef des putschistes est cependant parvenu à prendre la fuite, selon un officier supérieur de la police.

dNos forces sont en train de le rechercher pour l'arrêter», a assuré cet officier à l'AFP en confirmant les arrestations de trois autres responsables de la tentative de coup d'État de mercredi, dont le porte-parole des putschistes, le commissaire de police Zénon Ndabaneze, et le numéro deux du mouvement, le général Cyrille Ndayirukiye, qui avait annoncé dès jeudi soir à l'AFP l'échec du coup d'État.

Alors que les forces restées fidèles au président Nkurunziza traquaient les putschistes à Bujumbura, l'officier a garanti qu'il n'y aurait «pas de bavure» : «nous n'allons pas les tuer, nous voulons les arrêter pour qu'ils soient jugés».

Le président Nkurunziza est lui arrivé en milieu d'après-midi à Bujumbura, où il a immédiatement rejoint son palais présidentiel. Il venait de sa ville natale de Ngozi, quelque 140 km plus au nord-est, où il a passé la nuit après être revenu au Burundi par voie terrestre. Le chef de l'État était resté bloqué en Tanzanie depuis l'annonce de sa destitution mercredi après-midi par le général Niyombare.

Le long du chemin entre Ngozi et Bujumbura, selon des témoins, Pierre Nkurunziza a été salué par des partisans assemblés sur le bord de la route, vêtus de t-shirts à son effigie. En périphérie nord-est de la capitale, quelque 2000 personnes avaient été acheminées par bus pour l'acclamer dans le quartier de Kamenge, fief du parti présidentiel (Cndd-FDD).

Reprise des manifestations

Dès la matinée à Bujumbura, des manifestants opposés à la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle du 26 juin avaient à l'inverse répondu dans plusieurs quartiers périphériques à l'appel du collectif anti-troisième mandat à redescendre dans la rue.

Depuis la désignation le 25 avril de Pierre Nkurunziza comme le candidat du Cndd-FDD au scrutin présidentiel, Bujumbura avait été le théâtre de manifestations interdites par le gouvernement, mais quasi quotidiennes, qui avaient cessé avec la tentative de coup d'État.

Selon un journaliste de l'AFP et des témoins, les manifestants se sont réunis vendredi dans les quartiers habituels de cette contestation - Musaga (sud), Cibitoke (nord) et Nyakabiga (est).

À Musaga, un journaliste de l'AFP a vu des centaines de manifestants autour de barricades être dispersés par des tirs de sommation de la police. Dans une ambiance électrique, un officier a lancé : «Sachez que ceux qui montent des barricades seront désormais considérés comme des putschistes».

Le centre-ville de Bujumbura était lui calme, les habitants s'y rendant de nouveau après l'avoir déserté pendant deux jours. Aucune présence policière ou militaire particulière n'était visible.

Le président Nkurunziza devait s'exprimer dans la journée sur les ondes de la radio-télévision nationale burundaise (RTNB), mais elle n'avait toujours pas eu lieu en milieu d'après-midi.

La RTBN, au centre de combats à l'arme lourde jeudi entre forces loyalistes et putschistes, et restée tout au long de la tentative de coup sous contrôle des pro-Nkurunziza, était vendredi bien opérationnelle. En revanche, les émissions des principales radios et télévisions indépendantes restaient coupées : ces médias avaient cessé d'émettre jeudi, après avoir été attaqués, parfois à la roquette, par les partisans du chef de l'État.

Plus de 100 000 réfugiés

Mercredi, le président burundais était allé en Tanzanie participer à un sommet est-africain consacré à la crise politique déclenchée dans son pays par l'annonce de sa candidature à la présidentielle.

Depuis fin avril, la contestation anti-troisième mandat a été émaillée d'affrontements parfois violents entre manifestants et policiers ou jeunes du parti au pouvoir (les Imbonerakure, des milices selon l'ONU). En un peu plus de deux semaines, les violences ont fait une vingtaine de morts.

Ce mouvement populaire avait été présenté par Godefroid Niyombare, ex-compagnon d'armes de Pierre Nkurunziza du temps de la guerre civile (1993-2006) burundaise, comme une des justifications du putsch : le général avait reproché au chef de l'État, déjà élu en 2005 et 2010, d'avoir pris sa décision de briguer un troisième mandat «au mépris» du peuple.

La société civile et une partie de l'opposition portent l'opposition au troisième mandat, qu'elles jugent anticonstitutionnel. Mais la candidature du président sortant divise aussi au sein même du Cndd-FDD.

Personnalité respectée, considéré comme un homme de dialogue, le chef des putschistes, le général Niyombare, issu du Cndd-FDD, avait lui-même été limogé de la tête du Service national de renseignements pour avoir déconseillé à Pierre Nkurunziza de se représenter.

La communauté internationale avait condamné la tentative de putsch et le conseil de sécurité de l'ONU a appelé à des «élections crédibles», en référence à la présidentielle, mais aussi aux scrutins législatifs et communaux prévus dès le 26 mai.

Terrorisés par un climat pré-électoral qui n'avait déjà cessé de se tendre ces derniers mois au Burundi, plus de 105 000 Burundais ont fui dans des pays voisins en quelques semaines, selon des chiffres de l'ONU publiés vendredi.

PHOTO JEAN PIERRE AIMÉ HARERIMANA, REUTERS

«Nous avons décidé de nous rendre. J'espère qu'ils ne vont pas nous tuer», a dit par téléphone à un journaliste de l'AFP le chef des putschistes, le général Godefroid Niyombare (à droite). L'ancien ministre de la Défense Cyrille Ndayirukiye est à ses cotés.

PHOTO ARCHIVES REUTERS/STRINGER

Le président Piere Nkurunziza (au centre) à Dar es Salam, en Tanzanie, le 13 mai.

Les États-Unis demandent à leurs ressortissants de quitter

Les États-Unis ont demandé jeudi à leurs ressortissants au Burundi de quitter le pays le plus tôt possible.

Dans un communiqué, le département d'État indique avoir ordonné à tout le personnel américain non essentiel et aux membres de leurs familles de quitter le Burundi dès jeudi.

Le communiqué demande aux citoyens américains de ne pas se rendre au Burundi, et appelle les Américains qui s'y trouvent à «quitter le pays dès qu'ils en ont la possibilité».

«Les citoyens américains doivent rester sur place dans un lieu sûr jusqu'à ce qu'il leur soit possible de se déplacer en toute sécurité», indique le département d'État.

Il souligne que l'état de la sécurité «se dégrade» dans le pays et met notamment en garde contre tout déplacement hors de Bujumbura à la nuit tombée.

Le communiqué conseille également aux Américains de «s'assurer que leurs documents de voyage sont à jour et que les frontières aériennes et terrestres sont ouvertes avant de tenter de quitter le pays».

Le département d'État affirme en outre que «l'organisation terroriste des shebab basée en Somalie a menacé de mener des attaques terroristes au Burundi et pourrait y viser les intérêts américains».