Le président burundais Pierre Nkurunziza a officiellement déposé vendredi sa candidature à un troisième mandat présidentiel, source depuis 13 jours de manifestations émaillées de violences, a constaté un journaliste de l'AFP.

À son arrivée à la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), M. Nkurunziza a promis que les manifestations, devenues selon lui une «insurrection», seront «maîtrisées d'ici peu». «Je vous promets que les élections vont bien se dérouler».

Pierre Nkurunziza a été le premier des candidats déclarés à la présidentielle du 26 juin à déposer sa candidature, selon la CÉNI. La date limite pour les dépôts est le 9 mai.

Il est arrivé accompagné d'une trentaine de militants vêtus aux couleurs de son parti. Souriant et très détendu, il était vêtu d'un costume gris-bleu et d'une chemise bleue sans cravate pour remettre à la CÉNI, un à un, chacun des documents exigés, notamment un acte de naissance et le reçu du versement de la caution de 15 millions de francs burundais (environ 12 300 $) à la Banque centrale.

Le Burundi, en particulier sa capitale Bujumbura, est depuis le 26 avril le théâtre de manifestations émaillées de heurts parfois violents opposant les «anti-troisième mandat» à la police et aux jeunes du parti au pouvoir (Cndd-FDD) et qui ont déjà fait 18 morts.

Les manifestations, interdites par le pouvoir, avaient été déclenchées par la désignation, la veille, de Pierre Nkurunziza comme le candidat du Cndd-FDD à la présidentielle.

Les opposants au chef de l'État jugent un éventuel troisième mandat - M. Nkurunziza a déjà été élu en 2005 et 2010 - inconstitutionnel et surtout contraire aux accords d'Arusha qui avaient ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006).

Ses partisans jugent la démarche parfaitement légale. La Cour constitutionnelle, jugée inféodée au pouvoir par les anti-troisième mandat, leur a donné raison mardi.

Interrogé à son arrivée à la CÉNI, M. Nkurunziza a estimé vendredi que les heurts observés jusqu'ici n'étaient «rien par rapport à ce que nous avons connu dans les années 1993-1994», quand la guerre civile a commencé.

«C'est un phénomène qui ne concerne que quelques quartiers de Bujumbura (...) dans le reste du pays les gens vaquent tranquillement à leurs travaux», a-t-il assuré. «Plus de 99 % du territoire burundais est en paix».

Depuis des mois, les communautés internationale et régionale, mais aussi la population burundaise craignent que la candidature de M. Nkurunziza ne débouche sur de nouvelles violences à grande échelle.

Plus de 50 000 Burundais ont fui

Plus de 50 000 Burundais ont fui dans les pays voisins depuis le début des troubles pré-électoraux au Burundi, a déclaré vendredi le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

«Au cours des dernières semaines, plus de 50 000 Burundais ont fui vers le Rwanda, la Tanzanie et la République démocratique du Congo» (RDC), a déclaré un porte-parole du HCR à Genève, Adrian Edwards, lors d'un point de presse.

Plus de 25 000 ont fui au Rwanda, quelque 17 700 en Tanzanie et 8000 dans la province du Sud-Kivu en RDC.

Jusqu'à présent, les Burundais avaient fui vers le Rwanda et la RDC.

«Mais au cours de la dernière semaine, nous avons aussi vu une forte augmentation des personnes demandant l'asile en Tanzanie - 17 696 - après la levée de restrictions d'entrée», a indiqué M. Edwards. Le porte-parole n'a pas pu donner de détails sur les restrictions qui existaient auparavant.

La majorité des réfugiés sont des femmes et des enfants, ces derniers voyageant souvent seuls. Selon le HCR, de nombreux barrages routiers ont été mis en place au Burundi, rendant plus difficile la fuite des réfugiés.

Les réfugiés arrivant au Rwanda disent avoir été intimidés par les jeunes militants Imbonerakure, qui peignent des «marques rouges sur les habitations des personnes à cibler», selon le HCR.

L'ONU a qualifié ces Imbonerakure de «milice» du pouvoir. Les adversaires du régime les accusent de se charger des basses oeuvres du Cndd-FDD, le parti présidentiel, d'être armés par les autorités et de prêter main-forte à la police dans la répression de la contestation anti-Nkurunziza.

Un sommet régional doit se tenir le 13 mai en Tanzanie pour tenter d'enrayer la crise.