Le dépouillement des élections présidentielle et législatives s'est poursuivi dimanche au Nigeria, les premiers résultats étant attendus dès lundi. Les opérations de vote ont repris dans quelques centaines de bureaux où des problèmes techniques avaient empêché le scrutin la veille.

Dans les quelque 350 bureaux concernés, les Nigérians ont voté nombreux et avec enthousiasme.

«J'ai été déçue de ne pas pouvoir voter hier. Mais je serai heureuse jusque dans ma tombe d'avoir eu cette opportunité d'apporter le changement au Nigeria, avec ma voix», a déclaré Emily Adeyemi, 69 ans, venue voter en chaise roulante dans un quartier de Lagos.

L'élection s'annonce serrée, la plus serrée même depuis le retour du pays à la démocratie en 1999, entre le président sortant Goodluck Jonathan, 57 ans, et son rival Muhammadu Buhari, 72 ans, candidat du Congrès progressiste (APC), qui rassemble une large partie de l'opposition.

Des violences sont redoutées à l'annonce des résultats, comme en 2011 où près d'un millier de personnes avaient été tuées.

Des premiers incidents se sont produits à Port-Harcourt, la capitale l'État de Rivers (sud), un État clé producteur de pétrole. Des milliers de partisans de l'APC ont manifesté pour dénoncer des fraudes et demander l'annulation des élections dans l'État, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le chef local de l'APC, Dakuku Peterside, candidat au poste de gouverneur de l'État, a accusé  la commission nationale électorale indépendante (Inec) d'agir en connivence avec le PDP, le parti au pouvoir du président Jonathan, pour truquer les résultats, et il a réclamé un nouveau scrutin. Une accusation de fraude réfutée par le porte-parole local de l'Inec, Tonia Nwobi.

A Abuja, la capitale fédérale, le président de l'Inec, Attahiru Jega, a promis qu'il examinerait toutes les plaintes, poursuivant son objectif de mener un scrutin «libre, juste et crédible, dans le calme». «Nous demandons à tous les Nigérians de rester calmes en attendant les résultats», a-t-il ajouté.

Les premiers résultats de l'élection présidentielle devraient être donnés dès lundi, a annoncé M. Jega, relativisant les problèmes techniques qui n'ont touché samedi que 348 bureaux de vote (dont 90 à Lagos) sur 150 000 au total dans le pays.

«Nous espérons pouvoir déclarer (les résultats) dans les 48 heures (suivant la fermeture des bureaux samedi soir) et même avant», a-t-il affirmé.

«Aucune entourloupe» 

Quelque 69 millions d'électeurs - sur les 173 millions d'habitants du Nigeria - ont voté pour élire, outre le président, les 109 sénateurs et les 360 députés du le pays le plus peuplé d'Afrique, premier producteur de pétrole et première puissance économique du continent.

Pour la première fois, les électeurs étaient identifiés par des lecteurs d'empreintes digitales, censés faire diminuer les fraudes qui ont entaché les scrutins précédents. Ce saut technologique ne s'est pas fait sans mal, conduisant à d'importants retards dans les opérations, le président Jonathan lui-même n'ayant pas été reconnu par la machine.

Nullement découragés par les longues heures d'attente, de très nombreux électeurs, enthousiastes et vigilants,ont tenu à rester, après avoir voté, pour assister au dépouillement, qui s'est parfois fait samedi soir à la lueur des lampes de poches et des téléphones portables, dans un pays privé d'électricité plusieurs heures par jour.

Le porte-parole du gouvernement Mike Omeri a fait état d'un «taux de participation record», sans toutefois donner de chiffre. Cette participation représente «un triomphe pour la démocratie» malgré les problèmes logistiques, a-t-il estimé.

Alors que le dépouillement se poursuivait dimanche dans les centres où les opérations de vote avaient déjà pris fin, les deux camps clamaient déjà sur les réseaux sociaux avoir remporté telle ou telle circonscription.

«Il ne doit y avoir aucune entourloupe», a prévenu Lai Mohammed, le porte-parole de l'APC, dans un communiqué.

A Maiduguri, dans l'État de Borno (nord-est), de nombreuses personnes déplacées en raison des attaques du groupe islamiste Boko Haram ont pu voter, et le scrutin devait être terminé dimanche soir, a assuré un porte-parole local de l'Inec, Tommy Magbuin.

L'armée nigériane a lancé dimanche des frappes aériennes et une opération terrestre contre des membres de Boko Haram aux abords de la ville de Bauchi, toujours dans le nord-est du pays, selon une source militaire et des habitants. Dans la soirée, les autorités ont imposé un couvre-feu 24 heures sur 24 d'une durée illimitée dans la ville de Bauchi et dans deux autres districts de l'État.

Le chef de Boko Haram, Abubakar Sheka, avait promis de perturber le scrutin. Ses militants ont lancé plusieurs raids meurtriers, sans parvenir à empêcher les élections. Le groupe islamiste semble affaibli par l'offensive militaire internationale lancée contre lui depuis février, avec l'appui du Tchad notamment.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a félicité dimanche les Nigérians pour l'organisation d'élections qui se déroulent «largement dans le calme et de manière ordonnée» malgré les attaques de Boko Haram. Ban Ki-moon a appelé toutes les parties à continuer à rejeter la violence durant le reste du vote et l'annonce des résultats.