Dix-sept touristes étrangers, dont deux Français, et deux Tunisiens ont été tués mercredi en plein Tunis dans une attaque menée par des hommes armés au musée du Bardo, la première à toucher des étrangers depuis la révolution tunisienne de 2011.

En fin de soirée, le président François Hollande a annoncé dans un communiqué que deux Français avaient été tués et que «sept Français sont blessés, dont un reste dans un état grave».

De son côté, le Premier ministre Manuel Valls a réagi sur Twitter pour déplorer la mort des deux Français: «Peine immense. La barbarie ne l'emportera pas. Avec les Tunisiens, le monde doit dire non à l'horreur du terrorisme islamiste».

Cet «attentat terroriste», selon le ministère tunisien de l'Intérieur, touche le pays pionnier du Printemps arabe qui, contrairement aux autres États ayant vécu des mouvements de contestation en 2011, a jusqu'ici échappé au chaos.

Dix-sept touristes ont péri dans l'attaque du musée du Bardo, a indiqué le Premier ministre tunisien, Habib Essid, revoyant à la baisse le bilan précédent de vingt touristes tués.

Parlant à la télévision nationale «d'une situation définitive» il a listé «17 tués parmi les touristes (...) quatre Italiens, un Français, deux Colombiens, cinq Japonais, un Polonais, un Australien, une Espagnole». Il n'a pas précisé la nationalité des deux derniers touristes morts.

Outre les 17 touristes, deux Tunisiens, un policier et un chauffeur de bus, sont morts selon M. Essid. Quarante-quatre personnes, dont six Tunisiens, ont été blessées, certaines grièvement.

L'Italie avait fait état de trois de ses ressortissants tués et Madrid de deux Espagnols morts.

L'attaque, qui a duré environ quatre heures, n'a pas été encore revendiquée. Deux assaillants ont été abattus et une opération des forces de sécurité était en cours pour rechercher d'éventuels complices, selon les autorités.

En début d'après-midi, des assaillants armés de Kalachnikov ont ouvert le feu sur les touristes qui descendaient de leurs bus puis ils les ont pourchassés à l'intérieur du musée, a relaté le Premier ministre.

«Nous avons réalisé qu'il ne s'agissait pas de pétards mais de terroristes qui tiraient sur toutes les personnes qui marchaient sur la place. Après ils sont entrés dans le musée. Ils étaient presque à dix mètres, ils tiraient sur tout ce qui bougeait», a dit Josep Lluis Cusidó, un touriste espagnol, à la chaîne Cadena Ser.

Selon un journaliste de l'AFP sur place, l'un des autocars à bord desquels les touristes sont arrivés était criblé de balles.

Photo fournie par Wikipédia

Vue sur la façade du musée du Bardo à Tunis.

PHOTO AFP

Un centaine de touristes se trouvaient à l'intérieur du musée. 

«En guerre contre le terrorisme»

Certains touristes voyageaient avec le croisiériste Costa, dont un bateau faisait escale dans le port de La Goulette (banlieue de Tunis).

«Le capitaine a déclaré 14 passagers manquants, qui ne sont pas remontés à bord», a indiqué dans la soirée à l'AFP un porte-parole de Costa Croisières en France, tout en soulignant «ne pas pouvoir dire» s'ils figurent parmi les victimes de l'attaque au musée.

Au Parlement, mitoyen du musée, la «panique» a été «énorme» lorsque les coups de feu ont retenti, a relaté la députée Sayida Ounissi sur Twitter. La fusillade est intervenue «en pleine audition des forces armées sur la loi antiterroriste», en présence du «ministre de la Justice, de juges et de cadres de l'armée».

Après avoir dit à l'AFP que les autorités faisaient tout pour éviter qu'un tel «désastre» se reproduise, le chef de l'État Béji Caïd Essebsi s'est engagé dans une brève allocation télévisée à combattre «le terrorisme sans pitié».

«Je veux que le peuple tunisien comprenne que nous sommes en guerre contre le terrorisme (...). Je veux que le peuple tunisien se rassure (...) ces traîtres seront anéantis», a-t-il lancé.

Des centaines de Tunisiens ont manifesté ensuite dans le centre-ville en scandant «Tunisie libre, le terrorisme dehors».

La communauté internationale a vivement condamné le carnage, à l'instar de l'Américain John Kerry et du Français Laurent Fabius.

Mouvance djihadiste

Depuis la révolution de janvier 2011 qui a chassé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie a vu émerger une mouvance djihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et militaires, selon les autorités.

Liée au réseau Al-Qaïda, la Phalange Okba Ibn Nafaâ est considérée comme le principal groupe djihadiste de Tunisie actif à la frontière avec l'Algérie.

De 2000 à 3000 Tunisiens combattraient par ailleurs dans les rangs des djihadistes en Syrie, en Irak et en Libye. Cinq cents autres djihadistes tunisiens sont pour leur part rentrés au pays, selon la police, et sont considérés comme une des plus grandes menaces pour la sécurité.

Des Tunisiens combattant avec le groupe État islamique (EI) ont par ailleurs menacé leur patrie ces derniers mois.

En avril 2002, un attentat suicide contre une synagogue à Djerba (sud) avait coûté la vie à 14 Allemands et deux Français ainsi qu'à cinq Tunisiens. Al-Qaïda avait revendiqué l'attentat.

Photo Zoubeir Souissi, Reuters