Les armées tchadienne et nigérienne ont lancé dimanche depuis le Niger une offensive aérienne et terrestre dans le nord-est du Nigeria contre Boko Haram, au lendemain de l'«allégeance» prêtée par le groupe islamiste au mouvement djihadiste État islamique (EI).

«Très tôt ce matin, les troupes nigériennes et tchadiennes ont déclenché une offensive contre Boko Haram, sur les deux fronts, dans la zone de Bosso et près de Diffa», a déclaré à l'AFP une source gouvernementale nigérienne.

Plusieurs milliers de soldats nigériens et tchadiens étaient positionnés depuis plus d'un mois dans cette région du sud-est du Niger proche du lac Tchad, où Boko Haram a mené plusieurs attaques ces dernières semaines.

Cette offensive marque l'ouverture d'un nouveau front contre Boko Haram au Nigeria.

Le Tchad mène en effet depuis fin janvier une autre offensive en territoire nigérian depuis le Cameroun, de l'autre côté du lac Tchad.

Le président tchadien Idriss Déby Itno a promis mercredi «d'anéantir» le groupe armé et d'éliminer son chef, Abubakar Shekau, s'il ne se rendait pas, affirmant savoir où il se trouve.

C'est la première fois que les troupes nigériennes s'engagent au Nigeria depuis que le Parlement de Niamey a donné son autorisation à un tel déploiement début février.

«Ce matin, lorsque ces troupes ont commencé à se déployer, les habitants de Diffa - hommes, femmes, enfants - se sont massés sur une dizaine de kilomètres pour applaudir et encourager les soldats en leur offrant aussi des cigarettes, du thé ou de l'eau», a raconté un haut responsable civil de cette capitale provinciale.

Il a affirmé que l'aviation a «pilonné des positions» de Boko Haram et «tué beaucoup de combattants islamistes» de l'autre côté de la frontière, sans plus de précision.

Selon la radio privée Anfani, basée à Diffa, des avions ont pilonné samedi et dimanche matin à l'aube des positions islamistes proches de la rivière Komadougou Yobé, qui délimite approximativement cette partie de la frontière entre le Niger et le Nigeria.

La radio a dénombré «plus de 200 véhicules» se dirigeant vers la frontière. Le haut responsable civil a évoqué le chiffre de «500 véhicules».

Plus près de Diffa, «l'objectif de l'offensive» est «certainement de reprendre la ville de Damasak», une commune nigériane située à environ 30 kilomètres au sud de Diffa, a affirmé à l'AFP un journaliste résidant à Diffa.

Damasak avait été conquise en octobre 2014 par Boko Haram après de violents combats avec l'armée nigériane.

«Attirer de nouvelles recrues»

L'offensive régionale des dernières semaines et les opérations de l'armée nigériane ont porté des coups sérieux aux islamistes armés, contraints d'abandonner plusieurs positions dans l'extrême nord nigérian.

Interrogé sur l'offensive lancée depuis le Niger, le porte-parole nigérian de la Défense, le général Chris Olukolade, s'est contenté de répondre que «les efforts faits par tout autre force dans cette campagne contre le terrorisme» seraient «au mieux complémentaires» des opérations de l'armée nigériane.

Boko Haram, dont on évalue le nombre de combattants à plusieurs milliers et qui n'a cessé de recruter, rassemblait cette semaine des troupes dans son fief de Gwoza, dans le nord-est du pays, tandis qu'attentats et massacres de civils se poursuivaient.

Samedi, au moins 58 personnes sont mortes et 139 autres ont été blessées dans trois explosions - dont un attentat suicide - attribuées aux islamistes à Maiduguri, berceau historique de Boko Haram et capitale de l'État de Borno.

Le même jour, Abubakar Shekau, le chef des insurgés nigérians, a annoncé son allégeance à l'État islamique (EI).

Il a formalisé cette déclaration sur Twitter dans un enregistrement audio de huit minutes où il promet de «faire enrager les ennemis d'Allah».

Boko Haram et l'EI «ont essuyé de nombreux échecs ces dernières semaines et ces derniers mois», et le serment d'allégeance «pourrait être une façon de lancer un message à leurs troupes, pour leur regonfler le moral et attirer de nouvelles recrues, surtout dans le cas de Boko Haram», explique Yan St-Pierre, expert en lutte contre le terrorisme pour l'entreprise berlinoise Modern Security Consulting.

Selon lui, la déclaration de Shekau est liée à la présence de l'EI en Libye, d'où Boko Haram est soupçonné de recevoir des armes et des munitions depuis longtemps.

Ce serment «pourrait pousser les Occidentaux à se mobiliser [...] en particulier la France, qui mène déjà une campagne militaire antiterroriste en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale», estime pour sa part Ryan Cummings, de l'entreprise de conseil en sécurité Red24.