Les élections présidentielle et parlementaire au Nigeria auront-elles bien lieu le 14 février? La question était au coeur samedi d'une réunion cruciale de la commission électorale.

C'est le conseiller national à la sécurité du Nigeria, Sambo Dasuki, qui a demandé samedi à la Commission électorale nationale indépendante (INEC) un report de six semaines, expliquant que l'armée n'était pas en mesure de sécuriser le scrutin sur l'ensemble du territoire dans un délai si court.

Le président de l'INEC, Attahiru Jega, devait s'exprimer face à la presse samedi en fin d'après-midi depuis Abuja, la capitale fédérale.

Dans sa requête, M. Dasuki a rappelé que l'armée était engagée dans des opérations difficiles dans le nord-est du pays contre le groupe islamiste armé Boko Haram et que, «en raison de cela, il ne lui sera pas possible d'assurer la sécurité adéquate des élections», a rapporté un parlementaire ayant assisté à cette réunion à huis clos, Bashir Yusuf, du Mouvement démocratique du peuple (PDM-opposition).

«Six semaines au moins»

M. Dasuki a ainsi «demandé à l'INEC de considérer de reporter les élections pour une période de six semaines au moins», a ajouté Bashir Yusuf.

Cette élection, qui s'annonce très indécise, voit le chef de l'État Goodluck Jonathan, 57 ans, briguer un second mandat de quatre ans sous les couleurs du Parti démocratique populaire (PDP).

Le secrétaire national du PDP, Wale Oladipo, a assuré que la formation du président sortant se rangerait à la décision de la commission électorale.

Mais le parlementaire Bashir Yusuf a indiqué que plusieurs partis présents à la réunion de la commission électorale, y compris la principale formation d'opposition, le Congrès progressiste (ACP), s'étaient prononcés contre un report.

Parmi ses 13 rivaux, le président sortant devra notamment se défaire de l'opposant et ex-général Muhammadu Buhari, 72 ans, porte-drapeau du Congrès progressiste (APC), considéré comme son rival le plus sérieux.

Les détracteurs de M. Jonathan l'accusent de ne pas avoir su juguler les violences de Boko Haram, ni endiguer la corruption endémique de la première économie du continent. Mais il bénéficie toujours d'appuis et de fonds pouvant assurer sa réélection, selon des analystes.

M. Buhari, qui a dirigé le Nigeria d'une main de fer entre 1983 et 1985 à la tête d'une junte militaire, pourrait cependant profiter du ralliement de mécontents du régime actuel.

Un report de l'élection pourrait susciter des réactions très vives de sympathisants de l'opposition qui rêvent d'infliger au PDP sa première défaite depuis 16 ans et le retour de la démocratie dans ce pays, le plus peuplé du continent.

En 2011, les violences électorales avaient fait près de 1000 morts.

Déloger Boko Haram en six semaines? 

Outre la crainte de la réédition de ces violences, l'organisation du scrutin cette année est surtout mise à mal par les exactions de Boko Haram dans l'extrême nord-est du pays.

Ces derniers mois, les islamistes armés ont mis en déroute l'armée et pris le contrôle de vastes territoires dans le nord-est, rendant impossible le vote de plusieurs centaines de milliers d'électeurs dans trois États de la région.

Beaucoup craignent que Boko Haram, dont l'insurrection et sa répression ont fait depuis 2009 plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés, ne profite des rassemblements d'électeurs pour commettre de nouveaux massacres.

Ryan Cummings, responsable Afrique du cabinet de consultant en sécurité Red24, estime qu'il serait surprenant de reporter les scrutins en raison de l'insurrection islamiste, qui ne serait pas résolue en six semaines.

Actuellement, le groupe islamique «revendique le contrôle (partiel ou total) de 20 des 27 municipalités de l'État de Borno, et de deux dans chacun des États de Yobe et de l'Adamawa. (...) Déloger Boko Haram de toutes ces zones en l'espace de six semaines serait un exploit sans précédent», estime M. Cummings.

Pour la présidentielle, si aucun candidat n'est élu au premier tour, quelle qu'en soit la date, un second tour devra être organisé une semaine plus tard - un autre casse-tête logistique pour la commission électorale et une source non négligeable de tensions entre partisans de candidats rivaux.

Quel qu'est finalement le vainqueur de la présidentielle, il devra faire face à la menace Boko Haram, au risque de résurgence de la rébellion dans la région pétrolifère du delta du Niger (sud), le tout dans un contexte économique morose plombé par la chute des cours du pétrole, dont les exportations de brut rapportent au pays 90% de ses recettes en devises.