Maiduguri, au Nigeria, est une ville assiégée. À l'extérieur, les terroristes du groupe Boko Haram encerclent pratiquement la ville, contre laquelle ils multiplient les attaques. À l'intérieur, des centaines de milliers de déplacés s'entassent avec la population locale dans un climat de peur et des conditions de plus en plus difficiles. Voici cinq questions pour comprendre ce qui s'y passe.

Que se passe-t-il à Maiduguri?

Maiduguri est la capitale de l'État de Borno, dans le nord-est du Nigeria. Selon la National Emergency Management Agency, une agence nigériane, au moins 400 000 habitants chassés des villes et villages environnants par le groupe armé Boko Haram ont trouvé refuge dans cette ville de un million d'habitants.

Les combattants de Boko Haram multiplient maintenant les assauts contre la ville, dont le dernier, dimanche dernier, a fait 200 morts.

Dans quelles conditions les habitants se trouvent-ils?

«La situation est très tendue, répond Hamza Idris, un journaliste local joint sur place par La Presse. Les infrastructures croulent sous le poids des déplacés, les hôpitaux débordent, l'électricité et l'eau se font rares. Les écoles ont été transformées en camps pour accueillir les déplacés. Les gens vivent dans la peur constante d'une prochaine attaque.»

Abubakr Bashir Bakri, chef de mission pour Médecins sans frontières (MSF) au Nigeria, explique pour sa part que les déplacés arrivent souvent à Maiduguri après avoir marché plusieurs jours dans la savane. «Ils sont fatigués, malades et ont besoin de soins médicaux immédiats, explique-t-il. Plusieurs femmes enceintes arrivent malades et courent un risque élevé de perdre leur bébé.»

MSF a déjà traité plus de 7000 patients atteints de choléra dans la ville. 

Selon Hamza Idris, les frictions entre les habitants et les déplacés, peu habitués à la vie urbaine, sont de plus en plus fréquentes.

Où les combattants de Boko Haram se trouvent-ils?

Boko Haram contrôle maintenant quatre des cinq routes qui relient la ville au reste du monde. L'armée nigériane, qui a jusqu'à maintenant résisté aux assauts du groupe, craint que des combattants ne s'infiltrent parmi les déplacés qui trouvent refuge à Maiduguri. «Il y a des contrôles partout. L'armée vérifie les coffres des voitures, et des groupes d'autodéfense passent les gens au détecteur de métal dans les marchés et les restaurants», raconte le journaliste Hamza Idris.

Boko Haram peut-il prendre la ville?

«À mon avis, ce sera très difficile», dit Robert Rotberg, associé au Centre for International Governance Innovation. Le spécialiste rappelle que le groupe n'a saisi jusqu'à maintenant que des villes beaucoup plus petites. «Ils ont toujours bénéficié d'un effet de surprise. Cette fois, il n'est pas là», ajoute-t-il.

Parce qu'elle est corrompue et que les soldats choisissent souvent de se sauver au lieu de combattre, l'armée nigériane s'est avérée extrêmement inefficace à freiner Boko Haram. Mais M. Rotberg croit que cette fois, l'enjeu est trop important et qu'elle défendra vraiment la ville.

«L'armée est beaucoup mieux équipée que Boko Haram, rappelle-t-il. Et avec les élections en février, le président Jonathan ne peut se permettre de perdre Maiduguri.» Il ajoute toutefois que tout est possible si l'armée décide encore une fois de fuir plutôt que de se battre.

Que signifierait la prise de Maiduguri?

D'abord, selon l'expert Robert Rotberg, il faut s'attendre à un bain de sang qui ferait des milliers de morts si Boko Haram parvient à conquérir la ville. Le groupe aurait alors atteint son objectif, qui est d'instaurer un État basé sur la loi islamique dans le nord du Nigeria.

«La prise de Maiduguri serait un symbole extrêmement fort et un gain stratégique majeur pour Boko Haram, dit-il. Ils pourraient accaparer d'immenses ressources. S'ils contrôlent Maiduguri, ils contrôlent tout l'État de Borno et déclareront un califat islamique sur la région, un peu comme le groupe État islamique en Syrie et en Irak.»