Le Sénat congolais a amendé vendredi le projet de loi électorale à l'origine de violences meurtrières à Kinshasa et dans d'autres villes de la République démocratique du Congo (RDC), mais l'opposition a accueilli cette évolution avec prudence.

Les sénateurs ont adopté à l'unanimité un texte modifiant l'article le plus litigieux du projet de révision de la loi électorale. En début d'après-midi, la commission paritaire réunissant des députés et sénateurs s'est réunie à huis clos pour parvenir à un texte de consensus afin de permettre le vote de la loi samedi, selon une journaliste de l'AFP.

Faute d'accord à la commission paritaire, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

Après les violences du début de semaine, le périmètre du parlement restait bouclé par les forces de l'ordre, mais la situation était calme à Kinshasa et Goma, grande ville de l'est du pays où des affrontements entre policiers et manifestants hostiles au président Joseph Kabila ont fait au moins un mort jeudi.

Le texte du Sénat modifie l'article ouvrant la possibilité d'un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016, ce qui permettrait à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se maintenir à la présidence au-delà de la fin de son mandat. Aujourd'hui, la Constitution lui interdit de se représenter.

Tel que voté par les députés, le projet de loi conditionne la tenue de la prochaine présidentielle (et des législatives devant avoir lieu le même jour) à l'achèvement du recensement général de la population. Celui-ci doit commencer cette année et, selon plusieurs analystes, pourrait prendre jusqu'à trois ans.

Dans la version adoptée par les sénateurs, «l'actualisation de la liste électorale définitive en fonction des données démographiques disponibles se fait dans le respect des délais constitutionnels et légaux prévus pour l'organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales».

Jeudi soir, l'opposition, divisée, avait appelé à de nouvelles manifestations contre le pouvoir lundi dans tout le pays.

L'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l'opposant historique Étienne Tshisekedi, a appelé ainsi à manifester «pacifiquement» jusqu'à ce que M. Kabila soit contraint de quitter le pouvoir, tandis qu'un collectif réuni autour des deux autres grands partis de l'opposition - l'Union pour la Nation congolaise (UNC) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) - et de dissidents de l'UDPS, exhortaient les Congolais à manifester en masse «à défaut du rejet» du projet de loi.

Calendrier électoral

Vital Kamerhe, président de l'UNC, a néanmoins jugé «satisfaisant» le texte des sénateurs, tout en refusant de «crier victoire» du fait de l'incertitude régnant sur les résultats de la commission paritaire. Le mouvement des opposants au texte doit se réunir vers 18 h (12 h à Montréal) pour décider du maintien ou non de l'appel à manifester lundi.

Joint par téléphone à l'Université de Kinshasa, théâtre de violents heurts en début de semaine, Chadrak, un étudiant, a affirmé qu'il y avait sur le campus «une scène de liesse». «Ils sont prêts à marcher pour soutenir le Sénat», a-t-il ajouté.

«Nous avons été à l'écoute de la rue» et «pour cela (...) le vote d'aujourd'hui est un vote historique», n'a pas hésité à déclarer le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo.

De lundi à mercredi, Kinshasa a été le théâtre de violences meurtrières ayant fait de 12 morts, selon le gouvernement, à 42, selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH).

Les troubles ont commencé par la violente répression de manifestations d'opposants au projet de révision de la loi électorale. Elles ont vite dégénéré en émeutes et pillages dans plusieurs quartiers populaires de la ville.

La situation s'est apaisée à partir de mercredi après-midi, mais la plupart des écoles de la capitale restaient néanmoins fermées vendredi.

La RDC, un des pays les moins développés au monde, traverse une grave crise politique depuis les élections législatives et présidentielles de 2011, entachées d'irrégularités massives, remportées par M. Kabila et sa majorité. Depuis lors, plus aucune élection n'a eu lieu.

Pour l'opposition, le prochain combat sera d'obtenir la publication d'un «calendrier électoral global», c'est-à-dire prévoyant les dates précises de tous les scrutins en retard (élections locales, provinciales et sénatoriales, toutes annoncées pour 2015), ainsi que celles de la présidentielle et des législatives de fin 2016.

La communauté internationale réclame cet échéancier depuis des mois afin de déterminer le soutien financier qu'elle pourrait éventuellement apporter à l'organisation des scrutins.