Le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a menacé, dans une vidéo, le président camerounais Paul Biya de mener dans son pays des attaques aussi violentes qu'au Nigeria, où le groupe islamiste étend son emprise.

Si le président camerounais a déjà été mentionné dans les précédentes vidéos de Shekau, qui s'en prend régulièrement aux chefs d'État africains et occidentaux, c'est la première fois que Boko Haram adresse des menaces aussi directes envers le Cameroun.

Les attaques du groupe djihadiste se sont multipliées, depuis début 2014, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, contraignant l'armée camerounaise, mobilisée après des années de tolérance envers les activités transfrontalières de Boko Haram, à engager pour la première fois des frappes aériennes fin décembre.

«Paul Biya, si tu ne mets pas fin à ton plan maléfique, tu vas avoir droit au même sort que le Nigeria (...) Tes soldats ne peuvent rien contre nous», clame M. Shekau, vêtu tout de noir, avec des bottes kaki en caoutchouc et un turban sur la tête, flanqué de quatre hommes armés cagoulés, dont deux brandissent le drapeau noir des djihadistes.

La vidéo, qui dure environ 17 minutes, a été postée le 5 janvier sur YouTube. Le leader islamiste y parle tour à tour en arabe, et dans plusieurs langues locales: haoussa, kanouri et fulfulde.

Les islamistes, qui lancent de meurtrières attaques quasi-quotidiennes dans le nord-est du Nigeria, se sont emparés ces derniers mois de plus d'une vingtaine de localités de cette région, proclamant un «califat» dans les zones sous son contrôle.

Le week-end dernier, le groupe s'est emparé d'une base militaire importante de l'extrême nord-est du Nigeria, sur les rives du lac Tchad, prenant ainsi le contrôle de frontières avec le Tchad, le Niger et le Cameroun.

Au Cameroun, le président Biya avait donné l'ordre à son armée d'engager des avions de chasse pour protéger une base militaire camerounaise attaquée par les islamistes le 28 décembre.

Le Cameroun a longtemps été très critiqué par ses voisins, mais aussi par la France, qui l'accusaient de passivité face aux agissements de Boko Haram. Pendant des années, le groupe, qui commettait des attentats au Nigeria, se servait essentiellement du territoire camerounais comme base arrière pour se reposer, se ravitailler en armes et en nourriture.

Mais la donne a changé depuis les enlèvements de la famille française Moulin-Fournier et de religieux occidentaux dans le nord Cameroun en 2013. Des  soldats camerounais ont alors été envoyés en renfort dans cette région, et, désormais, ce sont les militaires camerounais qui se plaignent de l'inaction des Nigérians devant les agissements de Boko Haram.

L'armée camerounaise dit avoir tué environ un millier de combattants nigérians au total et perdu une trentaine d'hommes. Aucun bilan n'a pu être établi des victimes civiles.

«Tes soldats ne valent rien»

Rien ne permet de déterminer quand et où la vidéo a été filmée, si ce n'est en extérieur, dans un environnement aride.

Quatre véhicules tout-terrain sont stationnés derrière Shekau, et l'on aperçoit d'autres hommes armés et des canons anti-aériens.

Shekau, qui apporte son soutien aux combattants «sur le sol camerounais», appelle M. Biya à «se repentir».

«Sinon, tu vas voir ce qui va se passer, par Allah», menace-t-il en regardant la caméra et en brandissant son index. «Tes soldats ne valent rien. Même les soldats nigérians n'ont rien pu contre nous», poursuit-il.

M. Biya, qui a souvent des mots très durs contre Boko Haram dans des déclarations publiques, avait promis, en octobre dernier, «l'éradication totale» du groupe islamiste.

En mai 2014, le Nigeria et trois pays limitrophes (Cameroun, Niger et Tchad) ont adopté à Paris, sous l'égide de la France, un plan de riposte contre la secte islamiste nigériane prévoyant notamment une meilleure coordination du renseignement, l'échange d'informations, une surveillance commune des frontières et une capacité d'intervention en cas de danger.

Mais le plan tarde à se mettre en place, et le président camerounais s'est plaint, depuis, à plusieurs reprises, du manque d'action de ses voisins face à la menace islamiste.