Dix ans après avoir commencé à distribuer gratuitement des anti-rétroviraux (ARV), l'Afrique du Sud, pays qui compte le plus de séropositifs au monde, a retrouvé espoir même si la moitié seulement du chemin a été accomplie pour contrôler l'épidémie de sida.

«Nous avons des raisons d'être optimistes» et «nous pouvons nous prévaloir de beaucoup de succès», a souligné le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa avant la journée mondiale contre le sida de lundi.

Mais «nous devons admettre qu'il nous reste un long et difficile chemin», a-t-il reconnu, citant comme motif d'inquiétude le nombre «assez alarmant» de nouvelles infections, «en particulier parmi la jeunesse».

La pandémie, qui avait emporté en 2005 l'un des fils du défunt président sud-africain Nelson Mandela, Makgatho, à 54 ans, touche actuellement six millions de personnes en Afrique du Sud, soit plus d'un habitant sur 10 vivant avec le virus - sans forcément y succomber, grâce aux ARV.

Une étude de l'université de Harvard estime que plus de 330 000 personnes sont mortes du sida faute de traitement entre 2000 et 2005.

Ce n'est qu'en 2004, après maintes tergiversations et manifestations de déni, qu'un programme de distribution gratuite d'ARV fut lancé - malgré l'opposition virulente des grands de l'industrie pharmaceutique hostiles à la distribution de médicaments génériques à bas prix.

Même en nombre encore insuffisant, le changement est radical. La distribution de traitements ARV a comme propriété de limiter la transmission du virus et de retarder l'apparition du syndrome.

De manière plus générale, en Afrique australe, les progrès depuis la découverte du virus il y a 30 ans «sont remarquables», juge Médecins sans Frontières (MSF).

Pour cette partie du continent, «mettre 13,6 millions de personnes sous traitement de longue durée, pour la plupart dans des pays pauvres, et les garder sous traitement à vie est une tâche écrasante, d'une ampleur inégalée auparavant par des services publics», souligne le Dr Eric Goemaere, qui travaille pour l'ONG.

«Mais nous sommes à la moitié du chemin: nous avons encore besoin de doubler le nombre (de personnes sous traitement) pour contrôler l'épidémie. Et le faire sans compromettre la qualité des soins nécessite des fonds supplémentaires à destination des systèmes de santé, mais aussi des premiers concernés: la société civile et les groupes de patients».

«On ne peut pas battre le VIH en faisant comme d'habitude», ajoute-t-il.

Six ans d'espérance de vie gagnée

De nombreux problèmes persistent, liés notamment au délabrement des systèmes de santé publics.

En Afrique du Sud, l'association Treatment Action Campaign (TAC), pionnière dans la lutte pour l'accès aux traitements, cite entre autres des pénuries de médicaments, le manque de prévention, de préservatifs distribués à l'école et d'éducation sexuelle.

L'abandon du traitement antirétroviral en cours de route est aussi précurseur d'un grave problème de santé publique, car il favorise les maladies résistantes aux médicaments, souligne le secrétaire général de TAC, Anele Yawa.

«Il y a 10 ans, il n'y avait pas d'accès aux traitements, surtout dans le système de santé public», rappelle-t-il à l'AFP. Pour les donateurs, c'était «un état d'urgence».

«Aujourd'hui nous pouvons applaudir le fait que 2,6 millions de personnes sont sous traitement» en Afrique du Sud, dit-il, mais «on ne peut pas dire que l'Afrique du Sud s'en sort bien, car sinon on n'aurait pas 700 décès par jour dus au sida ou à une maladie liée au virus».

L'association est d'autant plus encline à insister qu'elle risque de perdre 80% de ses financements l'an prochain.

Selon les démographes, les Sud-Africains ont gagné six ans d'espérance de vie en six ans grâce aux ARV, la barre remontant de 54 ans en 2005 à 60 ans en 2011, et le pays est proche d'avoir éradiqué la transmission mère-enfant.

Les premiers grands plans de lutte contre le virus - distribution d'ARV, campagne de circoncisions, etc - avaient démarré après l'arrivée à la présidence de Jacob Zuma en 2009.

La première cause de mortalité demeure cependant la tuberculose, l'une des maladies opportunes du virus, ainsi que la grippe et la pneumonie, selon des statistiques officielles de 2012.