Le Burkina Faso a désigné un nouveau chef de l'État intérimaire, le diplomate Michel Kafando, tournant ainsi la page du régime militaire qui a pris le pouvoir à la chute de Blaise Compaoré.

Après une nuit de tractations, le nouveau président intérimaire, âgé de 72 ans, a à peine cillé à l'annonce de sa nomination. Elle a été annoncée en présence des deux autres candidats retenus par le «collège de désignation», l'ex-ministre de Thomas Sankara, Joséphine Ouédraogo et le journaliste Cherif Sy.

Kafando prêtera serment mardi, et la passation officielle du pouvoir, actuellement détenu par le lieutenant-colonel Isaac Zida, aura lieu vendredi, a indiqué lundi à l'AFP une source militaire.

Distingué et réservé, cet homme de grande taille aux cheveux noirs légèrement grisonnants, vêtu d'un costume, a rapidement pris la parole, se munissant d'un discours manuscrit, pour prendre acte de sa nouvelle situation.

«Plus qu'un honneur, c'est une redoutable responsabilité qui m'échoit, dont j'entrevois déjà les écueils et l'immensité de la tâche», a commenté M. Kafando. «J'ai naturellement accepté comme chaque fois lorsque j'ai été sollicité par le devoir», a-t-il ajouté.

Figure de la diplomatie burkinabè, cet ancien ambassadeur de la Haute-Volta (l'ancien nom du pays) puis du Burkina Faso auprès des Nations unies, respectivement en 1981-1982 et 1998-2011 a été choisi par un collège de civils et de militaires après une nuit de discussions à Ouagadougou.

M. Kafando a également été ministre des Affaires étrangères dans plusieurs gouvernements, entre 1982 et 1983.

Ses objectifs énoncés sont à la hauteur des attentes du Burkina Faso : «bâtir ensemble une nouvelle société, une société réellement démocratique par la justice, la tolérance et l'union des coeurs».

Lasse de la corruption de l'ancien régime et désireuse de changement, la rue burkinabè avait chassé le président Blaise Compaoré le 31 octobre dernier parce qu'il souhaitait modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir, après 27 années de règne.

Une fois la désignation de Michel Kafando actée par le Conseil constitutionnel, les civils auront repris officiellement les rênes du pays.

Au Burkina Faso, la transition aura duré une quinzaine de jours, une durée exceptionnellement courte, quand nombre de Burkinabè craignaient un coup d'État militaire et le maintien de M. Zida au pouvoir.

Un anticorruption

La nomination de Michel Kafando est intervenue au bout d'une nuit de tractations.

Le collège de désignation, sur cinq candidats présélectionnés, n'en a retenu que trois. L'archevêque de Bobo-Dioulasso Mgr Paul Ouédraogo, sélectionné mais qui ne souhaitait pas le poste, n'a pas été auditionné, tout comme le journaliste Newton Ahmed Barry.

«Le plus déterminant a été son exposé, très efficace», a déclaré à l'AFP Zéphirin Diabré, le chef de file de l'opposition à Blaise Compaoré, l'un des 23 membres de cette instance composée de militaires et de civils, ces derniers étant majoritaires.

«Son programme, c'est exactement ce que les gens attendent parce qu'il allait droit sur les problèmes de corruption et d'impunité. Il est extraordinairement en phase avec les attentes de la révolution», a-t-il poursuivi.

Dimanche après-midi, la charte de la transition, qui doit servir de constitution intérimaire, avait été officiellement signée par l'armée et les civils, dans l'euphorie générale, à la Maison du peuple de Ouagadougou.

«Aujourd'hui, nous sommes ensemble pour asseoir les bases inébranlables d'une démocratie, véritable aspiration profonde de notre peuple», avait lancé le lieutenant-colonel Zida, longuement applaudi, devant le corps diplomatique et plusieurs dignitaires africains.

Le nom de Michel Kafando, mentionné il y a deux semaines à la chute du président Compaoré, n'était revenu sur le devant de la scène que dimanche.

L'Union africaine (UA) avait lancé un ultimatum le 3 novembre au régime militaire, lui demandant de valider sous quinze jours ses institutions de transition et de choisir un président intérimaire. Ce délai expire lundi.

Le Conseil constitutionnel, à nouveau en fonction depuis le rétablissement de la Constitution annoncé samedi par M. Zida, doit valider rapidement la charte de transition. Cet organe a siégé dimanche, dans la discrétion la plus totale.

Le Conseil a déjà constaté la vacance du pouvoir et l'indisponibilité du président de l'Assemblée nationale - qui aurait légalement dû prendre la suite de Blaise Compaoré à sa chute, ce que ni armée ni civils ne souhaitaient -, avait déclaré l'un de ses membres à l'AFP.

Les sages burkinabè attendaient la nomination du futur président, désormais actée, pour «prendre d'autres décisions», avait ajouté cette source.