Véronique a survécu vendredi à un massacre commis par des rebelles ougandais dans l'est de la République démocratique du Congo. Elle bredouille le message laissé par les tueurs : «Vous nous avez envoyé vos soldats pour nous exterminer, mais nous voici».

Pourchassés depuis des mois par l'armée congolaise, les combattants ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF) ont profité d'un relâchement de l'offensive gouvernementale pour semer la terreur dans le nord de la province du Nord-Kivu.

En moins de deux semaines, ils ont tué environ 80 civils à l'arme blanche. Leur dernier massacre, vendredi soir, a fait 24 morts à Eringeti, une bourgade agricole de 2000 habitants à la frontière avec la Province-Orientale.

Allongée sur un lit de fortune dans l'unique hôpital de la ville, Véronique raconte comment tombaient les victimes - hommes, femmes, enfants et nourrissons - sous les coups des haches et des machettes.

«Où sont vos protecteurs? Si vous voulez rester en paix, il ne faut plus nous envoyer vos soldats», vociféraient les tueurs, selon elle.

Blessée au bras, elle finit par s'effondrer au fil de son récit : cette mère de deux enfants a vu l'un d'eux, âgé de deux ans, être décapité sous ses yeux.

Car les protecteurs ne sont pas venus.

Selon les témoignages recueillis à l'hôpital par le docteur Jérémie Muhindo, directeur de l'établissement, les autorités coutumières locales, une source sécuritaire, et corroborés par le récit d'une habitante à l'AFP, les rebelles de l'ADF sont restés au moins deux heures et demie dans le faubourg à la sortie nord-est de la ville, sans être inquiétés.

La compagnie affectée à la garde de l'état-major local, à un kilomètre de là, n'a pas bougé et un petit groupe de soldats, alertés par quelques coups de feu tirés au début de l'attaque, aurait même fait demi-tour, selon ces sources.

D'après le médecin, aucun viol n'a été commis.

Pascaline habitait le quartier jusqu'à la tuerie. Accompagnée de ses trois enfants, elle s'apprête à quitter Eringeti, en montant avec un groupe de femmes sur un camion chargé de sacs de farine. Elle fuit vers Butembo, plus au sud, dont elle est originaire.

«Les autorités n'ont rien fait pour nous inciter à rester», dit-elle, ajoutant ne rien comprendre à ce qui se passe, «c'est pour cela que je pars». Comme elle, des centaines d'habitants du quartier ne sont pas rentrés chez eux.

Pascaline raconte que le massacre s'est arrêté à 100 mètres de sa maison. Terrée chez elle, elle a entendu avec angoisse les cris se rapprocher, puis le silence s'est fait. Au bout d'un certain temps, épuisée, elle s'est laissée emporter par le sommeil.

Ce n'est qu'entre 5 h 30 et 6 h, samedi matin, qu'elle a osé sortir, comme les autres voisins survivants, pour découvrir la désolation laissée pas les assassins.

Inaction militaire

Le but du raid n'était pas de piller, mais de terroriser : après avoir tué ou mis en fuite les deux soldats affectés à la garde d'un dépôt de vivres de l'armée, les rebelles n'ont rien emporté.

Le «mwami» Désiré Boroso, chef traditionnel du village, explique à l'AFP être arrivé sur les lieux samedi vers 7 h.

À ce moment-là, il n'y avait encore aucun militaire sur place, lorsqu'ont retenti des cris menaçants, dit-il : à 300 mètres, par-delà les cultures, les palmiers à huile et la rivière, les agresseurs de la veille narguaient la population du flanc d'une colline.

Le quartier s'est immédiatement vidé de ses habitants, avant que n'arrivent enfin quelques pelotons de soldats pour pourchasser les rebelles.

Le Nord-Kivu est déchiré par les conflits depuis plus de 20 ans.

Opposés au régime du président ougandais Yoweri Museveni, les ADF ont subi de lourdes pertes depuis le lancement, en janvier, d'une opération de l'armée contre leurs bastions dans les hautes montagnes proches de la frontière avec l'Ouganda.

Mais depuis la mort brutale, fin août, du général Lucien Bahuma, qui commandait l'offensive congolaise, les rebelles ont repris l'initiative.

Eringeti a été attaquée en dépit de la présence de deux régiments cantonnés dans les environs. «Depuis la mort du général Bahuma, rien ne va plus», déplore un notable qui préfère garder l'anonymat.