Les États-Unis se sont dits jeudi «très inquiets» de la «grave menace» que constitue au Nigeria le groupe islamiste armé Boko Haram, tandis que des milliers de personnes fuient le Nord-Est où les insurgés étendent leur emprise.

Les combattants de Boko Haram ont progressé de manière fulgurante ces dernières semaines, infligeant une série de défaites à l'armée et s'emparant de nombreuses localités, où ils ont multiplié les exactions contre les civils.

S'étant emparés de Bama, selon des témoignages d'habitants toutefois contestés par l'armée, ils menacent maintenant d'encercler et d'attaquer Maiduguri, la capitale de l'État de Borno et métropole de la région nord-est, qui compte plus d'un million d'habitants - selon le dernier recensement de 2006 .

Bama, deuxième ville de l'État de Borno, ne se trouve qu'à 70 km au sud-est de Maiduguri.

«Nous sommes très inquiets de la chute présumée de Bama et des risques d'attaques sur Maiduguri, où la population paierait un lourd tribut», a déclaré la secrétaire d'État adjointe pour l'Afrique Linda Thomas-Greenfield lors d'une visite à Abuja.

«L'avenir du Nigeria et de ses enfants est en danger», a averti la diplomate, appelant le gouvernement à se ressaisir et à affronter la «réalité».

«Nous avons dépassé le temps du déni et de la fierté», a-t-elle déclaré. «Il n'y a plus le droit à l'erreur».

De nouveaux témoignages d'habitants ont confirmé jeudi que Bama était tombée aux mains des militants islamistes, qui avaient lancé l'assaut sur la ville lundi et en ont pris le contrôle après de violents combats contre l'armée.

«La vérité, c'est que les combattants de Boko Haram contrôlent Bama pour de bon», a déclaré à l'AFP Muhammadu Mai Tumatur, un habitant de Bama en fuite arrivé à Maiduguri mercredi soir.

«Ils occupent la caserne et le palais de l'émir, sur lesquels ils ont hissé leurs drapeaux».

Les forces de sécurité se sont retirées de la ville, mais aucune exaction contre les civils n'était à déplorer, selon des habitants.

«Toutes les forces de sécurité se sont retirées». «Un grand nombre de soldats se sont déployés à Kawuri (à 20 kilomètres de Bama, sur la route de Maiduguri), a déclaré Mustapha Tor, un autre habitant de Bama réfugié à Maiduguri mercredi soir.

«Les insurgés n'ont pas visé les habitants, mais beaucoup ont décidé de partir». «On sait ce qu'ils ont fait à Gamboru Nglala où ils ont dit aux habitants qu'ils pouvaient rester et ensuite les ont tués», a-t-il dit.

Des arcs et des prières contre Boko Haram

Massacres, viols, pillages, les combattants de Boko Haram n'ont pas hésité à s'en prendre aux populations des zones conquises, allant jusqu'à incendier et raser entièrement des localités, comme à Gamboru Ngala, sur la frontière camerounaise.

Boko Haram veut établir un califat, un État islamique rigoriste, dans le nord-est du Nigeria. Depuis le début de son insurrection en 2009, qui a fait plus de 10.000 morts selon les autorités et 700.000 déplacés, le mouvement a gagné en puissance et affronte désormais frontalement l'armée.

Les civils fuient en masse. Près de 10.000 personnes sont arrivées au Niger voisin pour le seul mois d'août, portant à plus de 80.000 le nombre de réfugiés dans ce pays selon l'ONU. Le Cameroun compte, lui, 40.000 réfugiés.

Le Nigeria et ses voisins ont appelé mercredi la communauté internationale à les aider à tarir l'approvisionnement en armes et en argent de Boko Haram, qui dispose d'un armement supérieur à celui de l'armée nigériane selon des témoignages de soldats nigérians.

À Maiduguri, une dizaine de milliers de personnes, jeunes des milices locales, policiers, soldats en retraite et chasseurs se sont réunis devant le palais du chef traditionnel, le Shehu, et ont prêté serment de défendre la ville contre Boko Haram avec leurs armes, leurs arcs et leurs prières.