Le dalaï-lama a renoncé à se rendre en Afrique du Sud à un sommet des prix Nobel de la paix au Cap en octobre, a annoncé jeudi Pretoria qui s'apprêtait à lui refuser son visa pour ne pas indisposer la Chine.

«Le ministère des Affaires étrangères a reçu une confirmation écrite de Sa Sainteté le dalaï-lama en Inde indiquant qu'il avait annulé sa visite prévue en Afrique du Sud», a indiqué le ministère sud-africain des Affaires étrangères.

«Après cette annulation, le ministère considère que l'affaire est close», ajoute le communiqué, alors que la chef de la diplomatie sud-africaine, Mme Maite Nkoana-Mashabane, est justement cette semaine en Chine jusqu'à dimanche.

Une porte-parole du dalaï-lama avait auparavant affirmé à l'AFP avoir été informée par téléphone, par le gouvernement sud-africain, que le pays «ne serait pas en mesure d'accorder ce visa parce que cela perturberait les relations entre la Chine et l'Afrique du Sud».

Le ministère avait répondu que la demande de visa du leader tibétain serait traitée «conformément à la procédure normale».

C'est la troisième fois que le dalaï-lama est traité en indésirable depuis 2009 et l'accession au pouvoir du président Jacob Zuma.

En 2011, le dalaï-lama avait été empêché de participer aux festivités du 80e anniversaire de Desmond Tutu.

À l'époque, les autorités sud-africaines avaient simplement omis de répondre à la demande de visa, empêchant de facto la visite du dalaï-lama à son ami Tutu, ex-archevêque anglican du Cap.

Très en colère, Desmond Tutu avait accusé le gouvernement d'être «pire que celui de l'apartheid.

À l'issue d'une action en justice intentée par l'opposition, la Cour suprême sud-africaine avait déclaré «illégal» le refus d'accorder un visa au religieux tibétain.

«Dangereux séparatiste»

À l'époque, le pouvoir s'était justifié en arguant de l'intérêt national. La Chine, présente presque partout en Afrique, est le plus important partenaire commercial de l'Afrique du Sud - derrière l'Union européenne - avec des échanges qui s'élevaient à plus de 21 milliards de dollars en 2012.

L'Afrique du Sud fait en outre partie avec la Chine du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), les pays émergents les plus influents.

Sous la présidence de Nelson Mandela, le dalaï-lama avait pu lui rendre visite au Cap en août 1996, et les deux hommes s'étaient également rencontrés une autre et dernière fois en 2004 à Johannesburg.

Le leader spirituel tibétain, prix Nobel de la paix 1989, est considéré par les dirigeants chinois comme un dangereux séparatiste. Pékin fait pression sur tous les pays du monde pour qu'ils n'accueillent pas sur leur sol le chef spirituel bouddhiste, âgé de 79 ans.

Le dalaï-lama devait participer en octobre au Cap à un sommet mondial des prix Nobel de la paix, organisé par les fondations de quatre prix Nobel de la paix sud-africains: Desmond Tutu (1984 - pour son opposition à l'apartheid), Nelson Mandela (1993 - pour avoir négocié le retour à la démocratie), FW de Klerk (1993 - dernier président blanc, pour avoir négocié avec Mandela) et Albert Luthuli (1960 - président de l'ANC, pour sa lutte non violente contre l'apartheid).

Ce sommet doit célébrer les 20 ans de la démocratie sud-africaine, depuis l'élection de Nelson Mandela à la présidence en 1994.

Selon le directeur général de la fondation de Klerk, contacté par l'AFP, refuser de nouveau un visa au dalaï-lama serait «l'antithèse des valeurs de notre Constitution».

Opposé à l'idée d'un boycott des festivités par les prix Nobel, il estime que «la meilleure méthode (pour eux) serait de venir au sommet, de célébrer le 20e anniversaire de notre démocratie, et là, de profiter du sommet pour exprimer clairement toutes leurs opinions» à propos du traitement réservé au dalaï-lama.