Une spectaculaire opération de l'armée du Lesotho dans la capitale Maseru samedi laisse craindre un coup d'État dans ce petit royaume montagneux enclavé dans l'Afrique du Sud, même si les militaires assurent ne pas vouloir prendre le pouvoir.

Plus de douze heures après le début des événéments, les déclarations des uns des autres restaient contradictoires samedi vers 17 h (11 h, heure de l'Est).

Le premier ministre Thomas Thabane, en fuite en Afrique du Sud, a affirmé avoir été déposé par la force. La diplomatie sud-africaine a abondé dans son sens, affirmant que le déploiement militaire au Lesotho avait toutes les apparences d'un coup d'État.

À Maseru, l'armée a investi pendant plusieurs heures des points stratégiques et confisqué armes et véhicules dans plusieurs postes de police, avant de regagner ses quartiers à la mi-journée, ont constaté des journalistes de l'AFP.

La capitale avait été réveillée samedi matin par des échanges de coups de feu. Des rumeurs ont fait état de victimes, mais aucune confirmation n'a pu être obtenue de source fiable.

Mais les forces armées ont nié tout coup d'État.

«L'armée s'est lancée dans une opération pour désarmer la police qui, selon des renseignements collectés par ses services, s'apprêtait à armer certains partis politiques au Lesotho», a déclaré un porte-parole militaire, le major Ntele Ntoi, sur la chaîne de télévision sud-africaine ANN7.

«Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais un coup d'État au Lesotho perpétré par l'armée», a-t-il martelé.

Cependant, le premier ministre a dit avoir été renversé.

«J'ai été évincé non par le peuple, mais par les forces armées et c'est illégal», a-t-il lancé sur la BBC. «Je suis arrivé en Afrique du Sud ce matin (samedi) et je ne repartirai que lorsque ma vie ne sera plus en danger».

À Pretoria, le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères Clayson Monyela a délivré un message très ferme: «Bien que personne n'ait affirmé avoir pris le pouvoir par la force, selon toute évidence, (l'opération) des Forces armées du Lesotho porte la marque d'un coup d'État».

«Un tel changement inconstitutionnel du gouvernement ne saurait être toléré», a-t-il averti.

Fragile coalition

Formé en grande partie de hauts plateaux, le Lesotho est un pays très pauvre de deux millions d'habitants, membre du Commonwealth, qui fournit à son grand voisin sud-africain de l'eau et de l'électricité produite dans ses montagnes.

Le Royaume du Lesotho est gouverné par une coalition depuis deux ans, mais l'alliance des partis au pouvoir s'était montrée fragile.

«Depuis les dernières élections, la coalition avait du mal à travailler et le premier ministre était critiqué pour son autoritarisme», a commenté une source diplomatique occidentale.

En juin, le premier ministre, soucieux d'éviter une motion de censure, avait suspendu le Parlement, avec l'aval du roi Lesie III, un monarque constitutionnel qui dispose de très peu de pouvoir.

La violence est récurrente dans l'histoire politique récente du pays, ancienne colonie britannique indépendante depuis 1966.

En 1986, le régime ségrégationniste sud-africain y avait soutenu un coup d'État pour éviter que le pays ne devienne une base des militants anti-apartheid, notamment de l'ANC, le parti de Nelson Mandela considéré comme terroriste.

En 1997, l'armée avait donné l'assaut au quartier général de la police à Maseru pour mater une mutinerie.

L'année suivante, après de violentes émeutes liées aux élections, l'Afrique du Sud et le Bostwana avaient lancé une opération armée qui avait dévasté une partie de la capitale Maseru.