Le ciel d'Antananarivo s'est brusquement obscurci jeudi, envahi par des criquets qui prolifèrent dans l'île malgache malgré les campagnes d'épandage de pesticides, à la faveur notamment de la déforestation, a constaté l'AFP.

Si beaucoup de Tananariviens ont continué de vaquer à leurs occupations, le spectacle de nuées grisâtres survolant le centre-ville n'a pas laissé tout le monde indifférent.

«Je suis très étonné par le nombre d'insectes qui ont envahi la ville», observait en milieu d'après-midi Jean Ramananarivo, interrogé par l'AFP dans le quartier administratif d'Antananarivo. «L'État ne maîtrise pas la situation», a-t-il jugé.

À quelques mètres, des fleuristes, inquiets pour leur marchandise, brûlaient des pneus dans l'espoir que la fumée fasse fuir les envahisseurs volants.

À la porte de la ville, à Fenoarivo, l'arrivée des criquets vers 10 h GMT (6 h, heure de Montréal) a mis les enfants au comble de l'excitation.

«On va jouer avec», s'est exclamé Mickael Randrianarivelo, 7 ans, tandis que les riziculteurs locaux semblaient soulagés. «Le pire a été évité, car il n'y a encore que des jeunes plants dans les rizières», constatait Tsihoarana Andrianoelina.

Dans l'un des bas quartiers de la ville, à Ampandrana, des enfants ont bourré des sacs et bouteilles en plastique avec des criquets.

Pour «donner à manger à des poulets», clamait Anthoni Razafimahatratra, 13 ans, un sac plein à la main. «Si les poulets ne meurent pas (à cause des pesticides chimiques), alors on va en manger nous aussi!».

Vers 15 h GMT (11 h à Montréal), les criquets ont commencé à cesser de voler, certains tombant à terre, pour finir écrasés par les voitures ou ramassés par des gens.

«Ces criquets sont encore à des stades embryonnaires qui n'ont pas suffisamment de force», a expliqué à la presse Patrice Talla Takoukam, représentant de l'agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) à Madagascar.

«Ce qui s'est passé aujourd'hui est un phénomène naturel», a-t-il ajouté. «Depuis quelques jours, il y a eu de la chaleur, ce qui a permis aux criquets de se déplacer et quitter leur milieu naturel».

«Il n'est pas possible de prévoir à quel moment ces criquets peuvent se déplacer dans la mesure où cela demanderait qu'on ait des observateurs partout dans le pays, tous les 15 km», a-t-il poursuivi.

Depuis 2013, Madagascar est confrontée à des épisodes d'invasion de criquets d'une extrême gravité ravageant les cultures de riz et maïs, et menaçant l'équilibre alimentaire précaire et les moyens de subsistance d'une partie de la population.

L'état d'alerte avait été décrété dès novembre 2012, mais faute d'avoir agi à temps pour faire de la prévention, il faut désormais recourir aux pesticides pour traiter des hectares et des hectares envahis par les criquets.

Une opération d'épandage, la plus vaste depuis quinze ans, a eu lieu en mai avec l'aide de la FAO, l'agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, et qui doit se poursuivre jusqu'en 2016.

Ces invasions acridiennes sont liées à des conditions climatiques humides favorables à la prolifération de ces insectes migrateurs, mais aussi au manque de sensibilisation et à la destruction des forêts. Remplacées par de la savane, elles sont plus faciles à coloniser par les criquets.

À Madagascar, environ 200 000 hectares de forêts disparaissent tous les ans et 90 % de la forêt primaire a déjà disparu.