L'accusation et la défense vont jeter leurs dernières forces dans la bataille jeudi et vendredi pour convaincre le tribunal de Pretoria que le champion paralympique Oscar Pistorius a délibérément tué son amie, ou au contraire qu'il s'agit d'une tragique méprise.

Le procureur Gerrie Nel parlera le premier, jeudi. Il estime que c'est au cours d'une dispute que le sportif sud-africain a abattu Reeva Steenkamp, un mannequin de 29 ans qu'il fréquentait depuis trois mois, le 14 février 2013.

«Les arguments ont déjà été transmis à la juge. Nous ne les lirons pas page par page. Il (Gerrie Nel) va lire certains passages qu'il veut mettre en exergue devant la Cour, et la juge pourra également poser des questions», explique l'assistante du procureur Andrea Johnson.

L'avocat Barry Roux rappellera ensuite vendredi que l'athlète double amputé, rendu selon lui hypersensible à cause de son handicap, plaide non coupable.

Oscar Pistorius, 27 ans, affirme avoir tué son amie par erreur, croyant ouvrir le feu sur un cambrioleur caché dans les toilettes, en pleine nuit. «Je n'ai pas eu le temps de penser. J'ai entendu du bruit, j'ai pensé que quelqu'un était venu m'attaquer, donc j'ai tiré», avait-il expliqué à la Cour en avril.

Le procureur aura le dernier mot, quitte à ce que la Cour joue les prolongations vendredi après-midi. La juge Thokozile Masipa indiquera enfin quand elle compte rendre son jugement. Pas avant plusieurs semaines, a priori.

Le procès a pris la forme d'un long feuilleton télévisé qui passionne - et divise - les Sud-Africains depuis le 3 mars.

«On en revient toujours à ces scénarios», constate Barry Bateman, un journaliste local qui écrit un livre sur l'affaire: «Dans un cas, celui de la violence faite aux femmes, donc ses détracteurs, ceux qui pensent qu'Oscar Pistorius est coupable du meurtre de Reeva Steenkamp, s'appuient là-dessus pour l'attaquer violemment. Et bien sûr il y a l'autre côté, ceux qui croient qu'il s'agit d'un tragique accident, et qu'Oscar Pistorius pensait être en danger de mort.»

Zones d'ombre

Le procureur Gerrie Nel a appelé depuis mars 21 témoins, et son adversaire l'avocat Barry Roux 16, dont Oscar Pistorius lui-même.

De tous ces témoignages, il reste une sorte de puzzle de faits, d'expertises et d'affirmations que la juge Masipa essaiera de reconstituer, pour se faire une idée de ce qui s'est vraiment passé en cette sanglante nuit de la Saint-Valentin 2013.

Barry Roux a tenté de déstabiliser les témoins à charge, tandis que Gerrie Nel a démoli ceux de la défense. Et il reste au bout du compte de nombreuses zones d'ombre que cinq mois de procès n'ont pas éclaircies.

Les voisins ont-ils pu entendre une femme crier à l'aide la nuit du drame? Pistorius, affolé, crie-t-il comme une femme comme l'a dit son avocat? Reeva a-t-elle mangé juste avant de mourir, alors que l'accusé affirme qu'ils étaient couchés depuis longtemps? Pourquoi était-elle aux toilettes avec son téléphone à 3 heures du matin? Etc.

La juge est censée ignorer les frasques de Pistorius - en liberté sous caution -, qui font les délices de la presse sud-africaine depuis le drame, et n'ont pas été évoquées au tribunal. Réputé colérique, il s'est encore battu en juillet dans une boîte de nuit.

Elle n'est pas censée non plus avoir vu une vidéo, mystérieusement diffusée par une télévision australienne, qui montre le sportif courir sur ses moignons, alors que la défense s'est employée à expliquer qu'il était fort peu mobile sans ses prothèses.

Sur ce qui a été dit au tribunal, «les témoins à charge ont été très bons», remarque Ulrich Roux, un avocat de Johannesburg.

Quant au témoignage, capital, de l'accusé, «il n'a pas été bon», selon lui. «Il s'est contredit, il s'est montré émotif, il a eu une mémoire très sélective... Si vous voulez citer quelque chose qui aggrave son cas, c'est bien son propre témoignage!»

Oscar Pistorius risque une peine incompressible de 25 ans de prison s'il est reconnu coupable d'assassinat. La sentence sera plus légère si la préméditation est écartée, et il peut s'en tirer avec une simple mise à l'épreuve si la juge ne retient que l'homicide involontaire, selon Me Roux.