La directrice de l'Organisation mondiale de la Santé, Margaret Chan, a déploré vendredi que l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest «avance plus vite» que la mobilisation pour l'enrayer, appelant à y remédier sous peine de «conséquences catastrophiques» et de propagation à d'autres pays.

«Les effectifs actuels de secours nationaux et internationaux sont tristement inadéquats», a déclaré Mme Chan lors d'un sommet régional sur l'épidémie à Conakry, souhaitant que «cette rencontre marque un tournant dans la lutte contre l'épidémie», selon un communiqué de l'OMS.

«Cette épidémie avance plus vite que nos efforts pour la contrôler. Si la situation continue à se détériorer, les conséquences peuvent être catastrophiques en termes de vies perdues mais aussi de perturbations socio-économiques et de risque élevé de propagation à d'autres pays», a-t-elle prévenu.

«Les pays touchés ont fait des efforts extraordinaires et pris des mesures extraordinaires. Mais les besoins créés par Ebola en Afrique de l'Ouest dépassent vos capacités de lutte», a-t-elle dit à l'intention des présidents guinéen, sierra-léonais et libérien présents à ce sommet, ainsi que la ministre ivoirienne de la Santé.

«Malgré l'absence de vaccin ou de thérapie curative, les épidémies d'Ebola peuvent certainement être endiguées», a ajouté la directrice de l'OMS, soulignant néanmoins qu'il s'agissait «de loin de la plus grande en près de 40 ans d'histoire de cette maladie», avec 1323 cas, dont 729 mortels.

Elle a par ailleurs annoncé la convocation pour le 6 août d'une réunion d'urgence pour «évaluer les implications internationales de l'épidémie en Afrique de l'Ouest».

Les pays touchés se réunissent pour lancer un plan de lutte

La mobilisation contre Ebola a franchi vendredi une étape avec un sommet à Conakry réunissant les trois pays touchés, Guinée, Liberia et Sierra Leone, ainsi que la Côte d'Ivoire et l'OMS, pour lancer un plan de lutte contre cette fièvre hémorragique soupçonnée d'avoir fait plus de 700 morts.

Face à la menace d'une propagation de cette épidémie bien au-delà de l'Afrique de l'Ouest, la compagnie aérienne Emirates a décidé de suspendre à partir de samedi ses vols vers Conakry, invoquant «la sécurité des passagers et des équipages».

Au bout de sept mois d'une flambée de fièvre hémorragique qui, au 27 juillet, avait fait 729 morts (339 en Guinée, 233 en Sierra Leone , 156 au Liberia, un au Nigeria), selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la Sierra Leone et le Liberia ont fini par adopter de strictes mesures sanitaires. Sur les 729 décès recensés par l'OMS, 485 étaient des cas confirmés d'Ebola.

L'OMS a annoncé un soutien financier de 100 millions de dollars au plan que doivent lancer les dirigeants des pays concernés avec sa directrice Margaret Chan au sommet de Conakry.

Le Dr Chan a justifié cette «augmentation des ressources» par «l'ampleur de l'épidémie», précisant que ce plan visait à déployer «plusieurs centaines» de travailleurs humanitaires supplémentaires pour renforcer les quelques centaines déjà sur le terrain, dont 120 employés de l'OMS.

La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, arrivée dans la matinée dans la capitale guinéenne, de même que son homologue sierra-léonais Ernest Bai Koroma et la ministre ivoirienne de la Santé, Raymonde Goudou Coffie, a jugé la situation dans son pays «très, très grave, on approche de la catastrophe».

«Ce n'est pas un problème libérien, ni sierra-léonais, ni guinéen. C'est un problème international», a-t-elle déclaré sur CNN, ajoutant que désormais les Libériens «savent que c'est mortel et commencent maintenant à réagir».

L'inquiétude d'une propagation mondiale a crû à la suite de la mort, le 25 juillet, du premier passager d'avion, un Libérien décédé à Lagos après avoir transité par Lomé.

Les autorités américaines et allemandes ont recommandé à leurs ressortissants d'éviter de se rendre dans les trois pays frappés. La France y a ajouté le Nigeria, qui a annoncé jeudi avoir placé deux personnes en quarantaine, car elles avaient été en contact étroit avec la victime, 69 étant sous surveillance médicale.

Le ministère libanais du Travail a pour sa part suspendu vendredi la délivrance de permis aux ressortissants de Sierra Leone, de Guinée et du Liberia.

Fonctionnaires en congé forcé

Face à la crise, les présidents libérien et sierra-léonais ont préféré renoncer à se rendre au sommet Afrique/États-Unis la semaine prochaine à Washington et annoncé de nouvelles mesures radicales.

Mme Sirleaf a mis «tout le personnel non essentiel» du secteur public «en congé obligatoire de 30 jours» et décidé que vendredi serait «chômé pour permettre la désinfection des bâtiments publics».

Elle a également ordonné la fermeture de «toutes les écoles» ainsi que de «tous les marchés dans les zones frontalières».

M. Koroma a décrété jeudi «l'état d'urgence pour nous permettre de prendre des mesures plus fermes», sur une période de 60 à 90 jours, éventuellement reconductible.

Il a énuméré une batterie de dispositions, dont le placement en quarantaine des foyers d'Ebola, l'escorte des travailleurs sanitaires par les forces de sécurité et des perquisitions pour repérer les malades présumés.

Le chef de l'État sierra-léonais a également suspendu toutes les réunions publiques, sauf celles consacrées à l'épidémie, et renvoyé le Parlement.

Ailleurs sur le continent et à travers le monde, les autorités prenaient des précautions pour prévenir toute contamination.

La République démocratique du Congo, où l'Ebola est apparu pour la première fois en 1976, a annoncé de nouvelles mesures sanitaires et les Seychelles ont annulé un match de football avec la Sierra Leone prévu samedi.

Un cycliste sierra-léonais participant aux Jeux du Commonwealth à Glasgow a été mis en quarantaine et a subi des examens médicaux, mais les tests se sont révélés négatifs et il a pu prendre le départ jeudi.

Le Kenya et l'Éthiopie, qui abritent deux des plus importantes plates-formes aéroportuaires d'Afrique, ont affirmé avoir renforcé leur dispositif. L'Ouganda, touché ces dernières années par Ebola, a assuré être en alerte, la Tanzanie se prévalant de «mesures de précaution».

Le virus, contre lequel il n'existe pas de vaccin, provoque hémorragies, vomissements et diarrhées. Son taux de mortalité varie de 25 à 90%.

Washington rapatrie deux Américains malades

La diplomatie américaine a annoncé vendredi qu'elle rapatriait d'Afrique de l'Ouest deux Américains souffrant du virus Ebola et qu'ils seront placés à l'isolement une fois de retour aux États-Unis.

Le département d'État n'a pas révélé l'identité de ses ressortissants malades, mais on sait que les États-Unis ont déploré jusqu'à présent la mort d'un ressortissant au Nigeria et l'infection de deux autres au Liberia, un médecin et une employée médicale.

«La sécurité et la sûreté des citoyens américains sont une préoccupation primordiale», a assuré le ministère dans un communiqué, faisant état du rapatriement de ses deux ressortissants avec l'aide des centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies.

«Toutes les précautions sont prises pour transporter les patients en toute sécurité, pour leur fournir les soins vitaux lors d'un vol non commercial et pour les maintenir parfaitement à l'isolement à leur arrivée aux États-Unis», a expliqué la porte-parole Marie Harf.

Une association caritative américaine, Samaritan's Purse, avait indiqué que deux de ses membres, le docteur Kent Brantly et l'employée médicale Nancy Writebol, avaient contracté le virus Ebola au Liberia.

Les deux «sont dans état stationnaire, mais sérieux», a dit jeudi l'association.