La Cour constitutionnelle ougandaise a entendu mercredi les arguments des défenseurs des droits des homosexuels qui réclament qu'elle annule une récente loi controversée durcissant la répression de l'homosexualité en Ouganda, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les requérants - sept individus et deux organisations regroupant des dizaines d'ONG luttant contre les discriminations - ont saisi en mars la Cour constitutionnelle, affirmant que la loi, promulguée en février par le président Yoweri Museveni, viole la Constitution.

Cette nouvelle loi ajoute notamment la répression de la «promotion de l'homosexualité» et l'obligation de dénoncer les homosexuels à une législation punissant déjà les relations homosexuelles de la prison à vie.

Les requérants avancent que la loi viole les droits constitutionnels à la vie privée, à la dignité, à ne pas être victime de discrimination et à ne pas être soumis des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils affirment en outre que lorsqu'elle a été adoptée, le nombre de députés présents lors du vote était inférieur au quorum requis par la Constitution.

La Cour a ouvert l'audience mercredi après avoir rejeté une demande d'ajournement du représentant du gouvernement, estimant que «le caractère sensible de la question imposait l'urgence». Les magistrats ont indiqué qu'ils entendraient d'abord les arguments liés au quorum et se prononceraient à ce sujet, avant d'entendre et d'étudier éventuellement les autres moyens.

«Si la Cour répond par l'affirmative à la question numéro un (le quorum), alors la totalité de la loi s'effondrera. Nous avons un très bon pressentiment», a affirmé Nicholas Opio, l'un des avocats des requérants. «C'est un sujet très important pour le pays, l'Ouganda a attiré très fortement l'attention à cause de cette affaire», a-t-il ajouté.

Après avoir entendu les arguments des requérants sur le quorum, la Cour a ajourné l'audience à jeudi, qui sera consacré à ceux du gouvernement.

La promulgation de cette loi avait suscité un tollé international, jusque chez les plus proches alliés de l'Ouganda, États-Unis en tête, et plusieurs bailleurs de fonds avaient suspendu certaines de leurs aides au gouvernement ougandais.

Washington a pris mi-juin une série de sanctions - dont des interdictions de visa - en réaction à cette loi «infâme», que le secrétaire d'État américain John Kerry avait comparée aux législations de l'Allemagne nazie et de l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Le pasteur ougandais Martin Ssempa, pourfendeur radical de l'homosexualité, a semblé prévoir par avance une annulation par la Cour constitutionnelle, dénonçant d'ores et déjà un «avortement judiciaire de notre loi», qu'il a attribué aux pressions internationales exercées sur l'Ouganda.

«Il est extrêmement difficile pour la justice d'être rendue (...) sous la menace d'interdictions de voyage», a-t-il estimé, affirmant que «les juges étaient soumis à beaucoup de pressions».

«Notre culture et nos enseignements qualifient la sodomie de répugnante et nos députés avaient raison d'adopter cette loi. Il s'agit véritablement d'un débat entre civilisés et barbares», a-t-il déclaré.

Il s'agit «d'une lutte par les Africains pour préserver la civilisation» et «la bataille continue», a-t-il ajouté.

Selon des ONG, le durcissement de la législation réprimant l'homosexualité en Ouganda a provoqué une hausse des abus contre les homosexuels: arrestations arbitraires et racket policier, licenciements, expulsions de leurs logements et agressions.

La nouvelle loi avait également réduit l'accès des homosexuels aux services de santé et de prévention contre le sida, en raison des craintes d'arrestation, selon ces ONG.

Près des trois quarts, des pays d'Afrique disposent de législations, souvent héritées des lois coloniales, interdisant ou réprimant l'homosexualité.