Les manifestations de soutien aux quelque 200 écolières enlevées par le groupe islamiste armé Boko Haram sont désormais interdites dans la capitale fédérale nigériane Abuja, a annoncé lundi la police, invoquant le risque d'attentats.

Dans le pays, la longue série d'attaques ne connaît pas de trêve: un attentat à la bombe a fait au moins 40 morts dimanche soir à l'issue d'un match de football dans le Nord-Est, nouveau défi au pouvoir qui a promis une «guerre totale» contre l'insurrection islamiste qui a fait plusieurs milliers de morts depuis 2009.

Dans la capitale fédérale, la police a créé la surprise en annonçant l'interdiction des manifestations qui, sous le cri de ralliement «Bring Back our Girls» (Ramenez nos filles), se succèdent à Abuja comme dans d'autres villes du pays depuis le rapt du 14 avril à Chibok (nord-est).

Cette décision a été prise «pour des raisons de sécurité», a indiqué à l'AFP par texto le porte-parole de la police pour le territoire de la capitale fédérale, Altine Daniel, sans plus de détail.

Les organisatrices des protestations ont contesté la légitimité de cette mesure, s'interrogeant sur une éventuelle motivation politique, mais le chef de la police Joseph Mbu a affirmé que l'interdiction répondait à la menace d'infiltration d'«éléments dangereux» pouvant commettre des attentats.

Sur Twitter, la responsable des manifestations, Oby Ezekwesili, a asséné qu'il n'y avait «pas du tout» de «base» pour «interdire un rassemblement pacifique» à Abuja.

«Cette décision est folle», a réagi l'avocat des organisatrices, Femi Falana, assurant que cette décision allait être contestée en justice «aussi vite que possible».

Un nouveau rassemblement doit tout de même se tenir mardi dans la capitale fédérale, selon une porte-parole.

Le sort des jeunes filles kidnappées dans leur lycée dans l'État de Borno, épicentre de l'insurrection islamiste, a suscité une immense mobilisation internationale, notamment sur les réseaux sociaux sous le hashtag bringbackourgirls.

Le 28 mai, pour la première fois, des débordements ont eu lieu, quand des jeunes hommes ont attaqué les manifestantes à l'aide de bouteilles, de pierres et de chaises.

Certains pertubateurs portaient des messages de soutien au président Goodluck Jonathan mais le ministre de l'Information Labaran Maku a ensuite affirmé que ces éléments violents émanaient du principal parti d'opposition, l'APC (le Congrès progressiste).

Le chef de la police, Joseph Mbu, a déclaré dans un communiqué que l'apparition d'un second mouvement, «Release Our Girls» (Libérez nos filles), soulève «une sérieuse menace sécuritaire» avec, «selon des informations» parvenues à la police, le risque que «des éléments dangereux» ne se mêlent aux manifestations pour y déclencher des «explosifs».

Attentat sur un terrain de football 

Cette annonce intervient au lendemain d'un nouvel attentat sanglant dans le Nord-Est, non revendiqué même si Boko Haram a été immédiatement soupçonné.

Une bombe a explosé dimanche sur un terrain de football de la ville de Mubi, dans l'État d'Adamawa, un des trois États où l'état d'urgence est en vigueur depuis plus d'un an pour tenter de lutter contre les islamistes armés.

Un officier de police sur place, une infirmière de l'hôpital où ont été transportées les victimes et des habitants ont déclaré à l'AFP qu'au moins 40 personnes avaient été tuées dans cet attentat, survenu vers 18h30.

L'armée et les autorités de l'État d'Adamawa ont donné un bilan bien inférieur, mais les bilans contradictoires après ce genre d'attaques sont courants au Nigeria.

Le porte-parole des armées Chris Olukolade a affirmé lundi qu'«un suspect-clé» avait été arrêté au cours d'une intervention de l'armée, qui a bouclé la zone.

Mubi avait été la cible d'une attaque particulièrement sanglante du groupe islamiste, quand 40 étudiants ont été tués dans leur sommeil dans une cité universitaire en octobre 2012.

La ville se trouve à quelques kilomètres de la frontière camerounaise, non loin de l'endroit où deux prêtres italiens et une religieuse canadienne avaient été enlevés début avril. Les trois religieux ont été libérés ce week-end.

Cet attentat intervient quelques jours après un discours prononcé par le président Goodluck Jonathan. Très critiqué ces dernières semaines pour son impuissance face à la montée des violences islamistes, il avait promis «une opération à grande échelle pour mettre fin à l'impunité des terroristes».

Après une décision prise il y a deux semaines par l'ONU, l'Union européenne a à son tour ajouté Boko Haram à sa liste des organisations terroristes.