Les Malawites votaient mardi pour des élections présidentielle, législatives et locales, mais le début du scrutin a été retardé dans plusieurs parties du pays, suscitant parfois la colère d'électeurs criant à la machination.

La présidente Joyce Banda, qui à 64 ans est en poste depuis deux ans - elle était arrivée au pouvoir sans être élue, à la mort du président Bingu wa Mutharika -, mène un dur combat pour sa réélection sur fond de difficultés économiques, alors qu'un scandale de détournement de fonds publics a éclaboussé son gouvernement.

Plusieurs milliers de personnes ont dû faire la queue pendant plus de quatre heures devant l'ancien hôtel de ville de la capitale économique, Blantyre, avant que n'ouvre le bureau de vote, faute de matériel électoral.

Une cinquantaine de jeunes ont improvisé une manifestation, entonnant des chants antigouvernementaux.

«Ce gouvernement est mal organisé. Ils cherchent peut-être à truquer l'élection», se plaignait Paul Wind, 38 ans. «S'ils nous empêchent de voter, ils ont tort. Nous resterons jusqu'à ce que nous puissions voter!»

«Je crains qu'ils ne veuillent voler cette élection», a dit Evans Mukivan, 24 ans, arrivé sur place dès 4 h 30 (22 h 30 lundi, heure de Montréal), plus d'une heure avant l'heure d'ouverture officielle du bureau.

«C'est un chaos total. Ça fait partie du système pour frauder», a accusé Samuel Kapuka, candidat de l'opposition à la députation.

La chef de la mission d'observation de l'Union européenne, Véronique de Keyser, ne voulait pas trop s'inquiéter : «C'est un incident, jusqu'à présent un incident mineur. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une tentative de fraude».

«Cette situation est embarrassante, mais le problème est maintenant réglé. C'est un problème opérationnel, je présente mes excuses à la Nation», a déclaré le chef de la commission électorale, Maxon Mbendera, lors d'une conférence de presse.

«Autant que je sache, il n'y a aucun plan visant à léser les habitants de cette ville. (...) Personne ne veut empêcher quiconque de voter, personne ne veut priver qui que ce soit de son droit de vote», a-t-il insisté.

Quelque 7,5 millions de Malawites doivent élire leur président, leurs députés et leurs élus locaux, lors de ces cinquièmes élections depuis la fin du régime de parti unique du président Kamuzu Banda en 1994.

Douze candidats sont en lice pour la présidentielle.

Programmes assez semblables

Bien que contestée, Joyce Banda conserve des chances de l'emporter en raison du risque d'éparpillement des voix de l'opposition.

Mise en difficulté par le «Cashgate», un scandale de détournement de fonds, elle explique que c'est parce qu'elle a lancé une campagne anticorruption qu'il a été découvert et nie énergiquement toute implication personnelle.

Mais ses opposants l'accusent d'avoir détourné l'argent pour financer sa campagne et soulignent que les bailleurs de fonds étrangers ont gelé une partie de leur aide.

Autre sujet de mécontentement : si les pénuries dont souffrait le Malawi ont largement disparu ces deux dernières années, la dévaluation imposée par la présidente a lourdement frappé la population au portefeuille.

«J'ai trouvé ce pays au bord de la banqueroute. Au bout de deux ans, le Malawi est un endroit meilleur. Notre croissance économique a atteint 6 %, nous avons de l'essence, nous avons assez de nourriture. La récolte a été bonne», a déclaré Joyce Banda après avoir voté dans sa ville de Domasi (sud).

Son principal rival est l'ancien ministre des Affaires étrangères Peter Mutharika, 74 ans, frère du défunt président Bingu wa Mutharika.

Une enquête a révélé qu'il avait comploté au décès de son frère pour suggérer que l'armée prenne le pouvoir et écarter Mme Banda, alors vice-présidente passée à l'opposition et première dans l'ordre de succession à la tête de l'État. Il doit être jugé pour haute trahison.

Sont aussi en lice parmi ceux qui ont des chances, selon les observateurs, Atupele Muluzi, 36 ans, fils de l'ancien président Bakili Muluzi, et Lazarus Chakwera, 59 ans, chef du parti de l'ancien dictateur Kamuzu Banda.

Les programmes des différents candidats sont assez semblables : stimuler l'économie, créer des emplois et subventionner l'agriculture.

Il n'y aura qu'un seul tour : le futur chef de l'État sera désigné à la majorité simple, et le résultat est attendu dans une huitaine de jours.