Six mois après l'assassinat de deux reporters de RFI au Mali, une autre journaliste française, la photographe Camille Lepage, 26 ans, a été tuée alors qu'elle effectuait un reportage en République centrafricaine (RCA), en proie depuis des mois à des violences intercommunautaires.

Le président François Hollande, qui a lui-même annoncé mardi soir dans un communiqué le décès de la jeune femme, a ensuite indiqué à la presse depuis Tbilissi que Camille Lepage était «sans doute tombée dans un guet-apens».

«Cela date de deux jours. Camille Lepage était en compagnie des (milices) anti-balaka pour son reportage. Ils seraient tombés dans une embuscade certainement tendue par des éléments armés qui écument la région. Elle a subi des tirs et les anti-balaka ont remonté le corps ainsi que ceux de leurs compagnons. Une enquête est ouverte pour déterminer les circonstances exactes de son décès», a expliqué à l'AFP une source militaire française, qui a demandé à rester anonyme.

François Hollande a promis de mettre en oeuvre «tous les moyens nécessaires pour faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat et retrouver les meurtriers».

Le Conseil de sécurité de l'ONU a «condamné fermement» mardi le meurtre et a réclamé une enquête aux autorités centrafricaines.

Selon Paris, c'est une patrouille de la force de pacification française Sangaris qui a découvert la dépouille de la photographe lors d'un contrôle sur un véhicule conduit par des éléments anti-balaka, dans la région de Bouar (ouest), près du Cameroun et du Tchad. C'est dans cette zone que des combats avaient opposé la semaine dernière un détachement de la force Sangaris à une colonne lourdement armée qui l'avait attaqué.

«Il ne saurait y avoir d'impunité pour ceux qui, à travers les journalistes, s'en prennent à la liberté fondamentale d'informer et d'être informé», a assuré le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius à l'AFP depuis les États-Unis.

«Elle faisait des photos, elle pensait faire son devoir (...) Je demande aux journalistes de faire leur travail et en, même temps de prendre d'infinies précautions», a lancé le président Hollande, estimant que Camille Lepage évoluait «dans des conditions extrêmement difficiles en République centrafricaine». «Il y a une très grande violence» dans ce pays, a-t-il insisté.

«Pas du tout une tête brûlée» 

La Centrafrique a sombré dans le chaos et les violences intercommunautaires, lorsque l'ex-rébellion Séléka, à majorité musulmane, a pris brièvement le pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014 dans un pays composé à 80% de chrétiens, multipliant les exactions.

Dites «anti-balaka», des milices chrétiennes hostiles aux Séléka et plus généralement aux musulmans, se sont formées, semant elles aussi la terreur parmi les civils.

Le président des États-Unis Barack Obama a décrété mardi des sanctions contre les anciens dirigeants centrafricains François Bozizé et Michel Djotodia ainsi que trois autres responsables, accusés par la Maison Blanche de contribuer aux violences en Centrafrique.

«Ma fille était une fille exceptionnelle, elle avait la passion du photojournalisme (...) Elle n'avait qu'une envie, c'était de témoigner sur des populations dont on ne parlait pas et qui étaient en danger», a déclaré la mère de Camille Lepage à la radio RTL. «C'est pour ça qu'elle avait été à Juba, au Sud Soudan. A partir du mois de septembre, elle était partie en Centrafrique. Elle n'avait pas peur», a-t-elle raconté.

A son arrivée à Juba en 2012, la jeune femme avait notamment travaillé comme pigiste pour l'AFP, dont le responsable photo pour l'Afrique de l'Est, Carl de Souza, a gardé le souvenir d'une jeune femme «très enthousiaste et avide d'apprendre».

«Ce n'était pas du tout une tête brûlée. Elle savait exactement ce qu'elle faisait», a assuré à l'AFP Virginie Terrasse, cofondatrice de l'agence Hans Lucas dont faisait partie Camille Lepage.

Au total, 18 journalistes dans le monde ont été tués depuis le début de l'année dans l'exercice de leur métier, selon l'association Reporters sans frontières (RSF).

Le 2 novembre 2013, deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, avaient été tués au Mali après avoir été enlevés durant un de leurs reportages.