Le gouvernement sud-soudanais a assuré samedi que la situation était «calme» dans le pays, au lendemain de l'accord de cessez-le-feu signé avec la rébellion à Addis Abeba.

«La situation est calme. Nous n'avons été l'objet d'aucune attaque depuis ce matin», a déclaré à l'AFP samedi en fin d'après-midi le ministre de la Défense Kuol Manyang.

Des organismes indépendants ont confirmé que les lignes de front étaient calmes samedi.

La guerre a fait rage au Soudan du Sud, pays indépendant depuis 2001, depuis le 15 novembre 2013, faisant des milliers de morts, entre l'armée gouvernementale, fidèle au président Salva Kiir et les forces loyales à l'ancien vice-président Riek Machar.

Un premier cessez-le-feu signé en janvier n'avait donné aucun résultat.

Vendredi, à Addis Abeba, MM. Kiir et Machar ont signé eux-mêmes un accord, porteur d'espoirs pour le pays.

Le porte-parole de l'armée soudanaise, Philip Aguer, avait déclaré à l'AFP, plus tôt dans la journée, que la trève semblait déjà en place sur le terrain. «D'après les informations dont je dispose, il n'y a aucun accrochage aujourd'hui» samedi, avait-il dit.

Les signataires «sont convenus que toutes les activités hostiles cesseraient dans les 24 heures», et «qu'un gouvernement de transition offre les meilleures chances au peuple du Soudan du Sud» avant de prochaines élections dont la date n'a pas été précisée, selon Seyoum Mesfin, de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), l'organisation sous-régionale est-africaine ayant assuré la médiation dans les pourparlers.

Clause essentielle pour la population au bord de la famine, l'accord prévoit «l'ouverture de couloirs humanitaires (...) et la coopération avec les agences humanitaires et de l'ONU afin que l'aide humanitaire atteigne toutes les zones du Soudan du Sud», a précisé le médiateur.

L'accord a été signé après d'intenses pressions diplomatiques, des menaces américaines et de l'ONU de sanctions ciblées, et de premières sanctions américaines contre un commandant militaire de chaque camp.

Le conflit a fait des milliers de morts - probablement des dizaines de milliers, mais aucun bilan précis n'existe -, chassé plus de 1,2 million de personnes de leur foyer et dévasté les villes du pays.

À la rivalité politique à la tête du régime entre MM. Kiir et Machar, se sont greffées de vieilles rancunes entre peuples dinka et nuer, les deux principales communautés du pays dont sont issus les deux hommes. Les Nations unies et des ONG ont dénoncé des crimes de guerre et des massacres ethniques des deux camps.

Les organisations humanitaires ont averti que le Soudan du Sud se trouvait au bord de la pire famine africaine depuis les années 1980.

Le secrétaire d'État américain John Kerry, venu au Soudan du Sud au début du mois, a jugé que l'accord «pourrait constituer une avancée majeure». Dans un communiqué, il a appelé les deux leaders à s'assurer que «cet accord soit totalement appliqué et que les groupes armés des deux côtés» y adhèrent.

Besoin d'une «aide colossale»

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui s'était rendu dans le pays la semaine dernière, s'est félicité de l'accord et a invité les deux protagonistes à «immédiatement traduire leurs engagements en actes sur le terrain, notamment l'arrêt de toutes les hostilités».

«Bien sûr, c'est une question très difficile. Certains commandants cherchent à agir selon leur bon vouloir, sans instructions. Donc, nous pouvons nous attendre à des routes pleines d'obstacles», a dit Simon Monoja Lubang, chercheur à l'Université de Juiba.

Selon l'ONG Oxfam, qui agit dans les régions les plus dévastées, l'accord «tombe à point nommé après des mois d'espoirs déçus».

«Les civils pris dans ce sanglant conflit ont besoin d'être totalement confiants dans le fait qu'ils peuvent retourner chez eux sans craindre des violences», a déclaré Cecilia Millan, responsable locale d'Oxfam.

Les déplacés «ont besoin de retourner dans leurs champs pour faire les semailles dès que possible, sinon ils risquent de ne pas pouvoir nourrir leurs familles dans les prochains mois», a-t-elle averti;

Le pays est au bord de la famine, a estimé samedi l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Un «niveau exceptionnel d'insécurité alimentaire» touche un tiers des 11,5 millions de Sud-Soudanais, met en garde la FAO.

Le Programme alimentaire mondial (PAM)a indiqué qu'une «catastrophe alimentaire pouvait encore être évitée, à condition que les ONG alimentaires soient autorisées à atteindre les dizaines de milliers de personnes dans le besoin avant qu'il ne soit trop tard».

D'autre part, le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay --ex-juge au Tribunal pénal international ayant jugé le génocide du Rwanda -- a dit avoir reconnu «de nombreux éléments précurseurs d'un génocide» dans un rapport de l'ONU publié jeudi sur les atrocités sud-soudanaises.

Selon ce document, «les deux camps» ont commis «dès le début du conflit» des «violations particulièrement graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international à grande échelle».

«Les civils n'ont pas seulement été pris dans les violences, mais délibérément visés sur des critères ethniques», a affirmé la Mission de l'ONU au Soudan du Sud (Minuss), précisant que «toutes les parties au conflit ont commis des viols et des violences sexuelles contre des femmes de groupes ethniques différents».

Plus de 78 000 civils sont actuellement protégés par des Casques bleus dans huit camps de l'ONU à travers le pays, craignant d'être tués s'ils se risquaient à en sortir.