Le président sud-soudanais Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, dont les troupes respectives s'affrontent depuis mi-décembre au Soudan du Sud ont signé vendredi à Addis Abeba un engagement à «cesser les hostilités» et à de futures élections.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a salué cet engagement, y voyant une possible «avancée majeure» pour l'avenir du pays.

Dans ce document, également paraphé par le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, hôte des négociations, les deux dirigeants «ont convenu que toutes les activités hostiles cesseraient dans les 24 heures», a déclaré vendredi soir Seyoum Mesfin, un des responsables de la médiation.

Un cessez-le-feu entre les belligérants, péniblement négocié et signé le 23 janvier dans la capitale éthiopienne sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), organisation sous-régionale est-africaine, n'a jamais été respecté.

Ils ont également, dans ce texte, «convenu qu'un gouvernement de transition offre les meilleurs chances au peuple du Soudan du Sud» en vue de prochaines élections, sans préciser de date, a expliqué Seyoum Mesfin.

Ce dernier, ancien ministre éthiopien des Affaires étrangères et l'un des principaux négociateurs de l'Igad, a félicité MM. Kiir et Machar d'avoir «mis fin à la guerre». «Les combats vont cesser», a-t-il assuré.

«Même avec cette signature, vue la crise actuelle, le rétablissement de la paix au Soudan du Sud ne sera pas facile», a tempéré le commissaire à la Paix et la Sécurité de l'Union africaine Smail Chergui.

L'accord prévoit aussi «l'ouverture de couloirs humanitaires (...) et la coopération avec les agences humanitaires et de l'ONU afin de faire en sorte que l'aide humanitaire atteigne toutes les zones du Soudan du Sud», selon Seyoum Mesfin.

MM. Kiir et Machar s'étaient quelques minutes auparavant retrouvés face-à-face - apparemment pour la première fois depuis le début du conflit qui les oppose - et s'étaient serré la main, à l'issue d'une journée d'entretiens séparés avec M. Hailemariam, qui assure la présidence en exercice de l'Igad.

Ils avaient ensuite prié ensemble. Les deux dirigeants avaient été conviés à se rencontrer à Addis pour tenter de relancer des négociations au point mort dans la capitale éthiopienne.

«Signes précurseurs de génocide»

Le conflit au Soudan du Sud, déclenché sur fond de rivalité entre MM. Kiir et Machar à la tête du parti au pouvoir qui a divisé l'armée le long de lignes ethniques, a fait des milliers, voire des dizaines de milliers de morts et chassé de chez eux plus d'1,2 million de Sud-Soudanais.

À cette rivalité politique se sont greffées de vieilles rancunes entre peuples dinka et nuer dont les deux hommes sont respectivement issus et les combats se sont accompagnés de massacres et d'atrocités contre les civils, sur des critères ethniques, imputables aux deux camps.

L'ONU et Washington ont récemment mis en garde contre des risques de «génocide» et de «famine» dans le pays, plaçant MM. Kiir et Machar sous intense pression diplomatique.

Les États-Unis les avaient menacés de sanctions ciblées faute d'efforts pour mettre fin aux combats et aux exactions et avaient mardi imposé de premières sanctions contre deux généraux de l'un et l'autre camp, «responsables d'actes de violences inconcevables contre des civils».

«Je suis heureux que nous ayons signé cet accord ce soir», a déclaré à la presse M. Machar qui a pris le maquis après avoir été accusé de tentative de coup d'État par M. Kiir, lorsque de premiers combats ont éclaté à Juba le 15 décembre au sein de l'armée sud-soudanaise entre troupes loyales à chacun des deux dirigeants.

Il a répété qu'il n'y avait pas eu de tentative de coup d'État. «L'Histoire le dira», a répondu M. Kiir.

Le chef de l'État a rappelé qu'il avait «accepté beaucoup de compromis» pour «faire la paix avec tout le monde» et amener le Soudan du Sud à l'indépendance à l'issue d'une des guerres les plus longues et meurtrières d'Afrique, qui a opposé entre 1983 et 2005 Khartoum à une rébellion sudiste, désormais au pouvoir à Juba, dont il était avec M. Machar l'un des chefs historiques.

La Mission locale des Nations unies (Minuss) avait fait état jeudi d'indices sérieux de «crimes contre l'humanité» de la part des deux camps, recensant des atrocités dans lesquelles la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU Navi Pillay a vu vendredi de «nombreux signes précurseurs de génocide».

«Plus longtemps on laissera les rivalités ethniques se creuser et s'envenimer, plus le Soudan du Sud sera fragmenté, rendant la réconciliation et une paix durable plus difficile à atteindre», avertissait Amnesty International récemment.