Le président sud-soudanais Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar se trouvaient vendredi à Addis Abeba en vue d'une première rencontre directe depuis qu'a éclaté mi-décembre le sanglant conflit qui les oppose au Soudan du Sud.

M. Kiir est arrivé à la mi-journée dans la capitale éthiopienne, où se trouvait M. Machar depuis jeudi soir, mais les deux dirigeants ne s'étaient toujours pas rencontrés vendredi en fin d'après-midi.

Ils se sont tous deux entretenus séparément avec le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, président en exercice de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), l'organisation sous-régionale est-africaine qui assure la médiation dans ce conflit.

Un projet de document est en discussion, selon des sources au sein des deux délégations, mais aucun détail n'était disponible sur son contenu ou sur une éventuelle entrevue, initialement prévue vendredi.

«Je ne crois pas que Riek Machar et Salva Kiir se rencontrent directement aujourd'hui. Pas aujourd'hui», avait prévenu vendredi matin un porte-parole de M. Machar, James Gadet Dak, à Addis Abeba.

M. Machar, limogé en juillet 2013 par Salva Kiir sur fond de rivalité croissante entre eux à la tête du parti au pouvoir, a pris le maquis après avoir été accusé mi-décembre de tentative de coup d'État par le chef de l'État, lorsque des combats ont éclaté au sein de l'armée sud-soudanaise entre troupes loyales à chacun des deux dirigeants.

Le président Kiir va «rencontrer le chef rebelle Riek Machar sous les auspices du premier ministre éthiopien», avait assuré vendredi matin le ministre sud-soudanais des Affaires étrangères Barnaba Marial, assurant que cette rencontre allait «ramener la paix» en s'attachant «à ce que le cessez-le-feu soit correctement mis en place afin que la cessation des hostilités ait un sens».

Des pourparlers ouverts en janvier à Addis Abeba pour trouver une issue politique durable au conflit dans la nation la plus jeune du monde, indépendante depuis juillet 2011 seulement, n'ont jusqu'ici péniblement débouché que sur un cessez-le-feu, jamais appliqué depuis sa signature le 23 janvier.

«Propagande belliqueuse» 

En devenant indépendant, le Soudan du Sud espérait tourner la page d'une des guerres les plus longues et meurtrières d'Afrique, qui a opposé entre 1983 et 2005 Khartoum à une rébellion sudiste, désormais au pouvoir à Juba. Mais le nouveau conflit a fait depuis décembre des milliers, voire des dizaines de milliers de morts, et chassé de chez eux plus de 1,2 million de Sud-Soudanais.

À la rivalité politique entre MM. Kiir et Machar se greffent de vieilles rancunes entre peuples dinka et nuer, dont ils sont respectivement issus et les combats s'accompagnent de massacres et d'atrocités sur des bases ethniques contre les civils.

Les deux dirigeants sont sous pression diplomatique croissante Washington et l'ONU s'inquiétant de risques de «génocide» et de «famine» au Soudan du Sud.

La Mission locale des Nations unies (MINUSS) a fait état jeudi d'indices sérieux de «crimes contre l'humanité» commis par les deux camps, recensant des atrocités dans lesquelles la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU Navi Pillay a vu vendredi de «nombreux signes précurseurs de génocide».

«Plus longtemps on laissera les rivalités ethniques se creuser et s'envenimer, plus le Soudan du Sud sera fragmenté, rendant la réconciliation et une paix durable plus difficiles à atteindre», a estimé Amnesty dans un récent rapport.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a début mai pressé MM. Kiir et Machar d'intensifier leurs efforts pour que cessent combats et exactions, sous peine de sanctions ciblées et Washington a pris de premières sanctions contre deux généraux, de l'un et l'autre camp, «responsables d'actes de violence inconcevables contre des civils».

Les observateurs doutent de la sincérité des deux camps, qui s'accusent mutuellement de bloquer les discussions. «Le gouvernement ne prend pas au sérieux le processus de paix», a répété vendredi matin James Gadet Dak, affirmant que l'armée sud-soudanaise avait lancé une série d'attaques vendredi.

«Le gouvernement ne croit pas à une solution politique, il croit à l'option militaire», a abondé le porte-parole militaire de la rébellion, Lul Ruai Koang, fustigeant la «propagande belliqueuse» de Juba qui «met les gens dans un état d'esprit guerrier, pas dans un état d'esprit pacifique».

À Juba, le porte-parole de l'armée sud-soudanaise, Philip Aguer, a indiqué vendredi à l'AFP ne pas avoir connaissance de combats en cours.