Des centaines de personnes ont été tuées dans un nouveau massacre de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, où les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne vont aider les autorités à retrouver les quelque 200 adolescentes enlevées mi-avril par le groupe islamiste.

La Chine a promis d'aider le Nigeria dans sa recherche des otages mais aussi «dans sa lutte contre le terrorisme».

L'attaque a eu lieu lundi à Gamboru Ngala, ville proche de la frontière camerounaise dans l'État de Borno, fief historique de Boko Haram où avait également eu lieu le kidnapping les étudiantes le 14 avril.

Selon des habitants, les assaillants circulaient à bord de véhicules blindés et de vans peints aux couleurs des forces de sécurité et ont brûlé marché, bureau des douanes, commissariat de police et magasins.

Un sénateur local a évoqué mercredi le chiffre de 300 morts. «Il y a peut-être plus de 200 morts», a déclaré à l'AFP une source médicale sous couvert d'anonymat. Des témoins ont quant à eux compté plus de 100 cadavres.

Selon le sénateur, Gamboru Ngala était restée sans protection car les soldats qui y étaient basés avaient été redéployés plus au nord, vers le lac Tchad, pour tenter de libérer les étudiantes enlevées.

L'insurrection menée depuis 2009 par Boko Haram a fait des milliers de morts (plus de 1.500 depuis début 2014) au Nigeria, pays le plus peuplé et première économie d'Afrique.

Les violences se concentrent dans le nord-est, où l'armée mène une vaste opération depuis un an contre les insurgés.

Le recours à des milices privées, constituées de civils, contre les islamistes a poussé Boko Haram à se retourner contre les populations locales. «Boko Haram s'en prend à des villages tout entiers (...) massacrant parfois jusqu'à 200 à 300 villageois, hommes et femmes», pour se venger de la complicité des civils avec l'armée, explique le chercheur français Marc-Antoine Pérouse de Montclos.

Avant l'annonce de cette nouvelle tuerie, le président américain Barack Obama avait annoncé l'envoi de forces de sécurité américaines (militaires, policiers et «autres agences») pour aider le Nigeria à retrouver les étudiantes.

Le président français François Hollande lui a emboîté le pas mercredi lorsque l'enlèvement de 11 autres jeunes filles a été signalé, assurant que la France «fera tout pour aider le Nigeria». Une «équipe spécialisée» est disponible pour les recherches, a précisé le ministre français des Affaires étrangères peu après.

Le Royaume-Uni a annoncé l'envoi d'une équipe de conseillers gouvernementaux «dans les meilleurs délais» pour travailler sur place aux côtés des forces envoyées par le président Obama.

La Chine a promis d'aider le Nigeria «pour retrouver les filles» et «dans sa lutte contre le terrorisme», a indiqué le président nigérian Goodluck Jonathan mercredi après avoir reçu le Premier ministre chinois Li Keqiang à Abuja.

Mardi, Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, avait appelé Boko Haram à relâcher les captives, soulignant que les traiter ainsi était «totalement contraire aux enseignements de l'islam».

Cette «situation révoltante», selon les termes du président américain, éclipse le «Forum économique pour l'Afrique», un «Davos africain» qui s'est ouvert mercredi à Abuja sous sécurité maximale, un sommet sur lequel le Nigeria comptait pour vanter ses progrès économiques et améliorer son image internationale.

Le président Jonathan et son administration sont critiqués par les familles des 276 jeunes filles enlevées pour leur inaction et leur incapacité à les retrouver. Plusieurs dizaines d'adolescentes ont réussi à s'enfuir mais plus de 220 seraient toujours aux mains des insurgés, selon la police.

Le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a menacé dans une vidéo de «vendre» comme «esclaves» les étudiantes ou de les «marier» de force, un message qui a terrifié les familles.

Evoquant «une situation qui brise le coeur, une situation révoltante», M. Obama, sur la chaîne américaine ABC, a estimé que cet enlèvement «pourrait être l'événement qui aide à mobiliser la communauté internationale toute entière afin de faire enfin quelque chose contre une organisation aussi abjecte».

Les Nigérians «ont accepté notre aide, mêlant militaires, police et d'autres agences qui vont aller sur place, essayer de savoir où ces jeunes filles pourraient être et les aider», a précisé M. Obama.

Un État «en profonde difficulté»

Boko Haram, qui signifie «L'éducation occidentale est un péché» en haoussa, la langue la plus parlée dans le nord du Nigeria, a commis de nombreuses attaques meurtrières dans des écoles, des écoles et universités, mais ces enlèvements en masse d'adolescentes sont un fait nouveau.

Le département d'État américain a indiqué disposer d'informations selon lesquelles les adolescentes auraient été emmenées dans des pays voisins, se faisant l'écho de déclarations - non confirmées - de responsables locaux à Chibok, selon lesquels les captives avaient été vendues comme épouses à des combattants islamistes du Cameroun et du Tchad.

Les autorités tchadiennes et camerounaises ont démenti que les étudiantes se trouvent sur leur sol. Selon des témoins joints au téléphone depuis Yaoundé, la sécurité a été renforcée dans le nord du Cameroun, à la frontière du Nigeria.

Pour empêcher notamment de nouveaux kidnappings de étudiantes, l'envoyé spécial de l'ONU chargé de l'éducation, Gordon Brown, a dévoilé un projet destiné à améliorer la sécurité dans les écoles nigérianes.

Jusqu'ici, l'insurrection était concentrée dans le nord-est du Nigeria, mais deux attentats à la voiture piégée ont fait plus de 90 morts dans la banlieue d'Abuja, en moins de trois semaines, rappelant que Boko Haram, qui revendique la création d'un État islamique dans le Nord, pouvait frapper ailleurs dans le pays.

326 000 $

La police nigériane a offert mercredi 50 millions de nairas (326 000 $) pour des informations permettant de retrouver les 223 adolescentes prises en otage par le groupe islamiste armé Boko Haram.

«La police nigériane annonce une récompense en espèces de 50 millions de nairas à quiconque livrant des informations crédibles permettent de localiser et de secourir les écolières enlevées de l'école secondaire publique pour filles de Chibok, dans l'État de Borno» le 14 avril, un rapt massif sans précédent revendiqué par Boko Haram.

Un plan pour la sécurité des écoles

L'envoyé spécial de l'ONU chargé de l'éducation, l'ancien premier ministre britannique Gordon Brown, a dévoilé mercredi un projet destiné à améliorer la sécurité dans les écoles nigérianes, afin d'empêcher notamment de nouveaux kidnappings d'écolières.

Les leaders économiques du pays ont fourni une contribution initiale de 10 millions de dollars dans ce projet, qui sera expérimenté d'abord dans 500 écoles du nord du Nigeria, où sévissent les islamistes de Boko Haram.

«Nous ne pouvons rester les bras croisés et voir les écoles fermer, les filles privées d'éducation et les parents vivre dans la peur pour leurs filles», a déclaré M. Brown, qui s'exprimait à Abuja en marge d'un Forum économique sur l'Afrique, ouvert mercredi dans la capitale fédérale.

«Le système éducatif qui a le pouvoir de transformer le Nigeria ne peut être démoli. L'initiative «Safe school» aidera à mettre le Nigeria sur la voie pour aider de plus en plus de filles et de garçons à aller à l'école et à étudier».

«Les pensées et les prières du monde entier sont tournées vers les filles enlevées du Nigeria, qui en sont à leur quatrième semaine de captivité», a-t-il souligné.

Selon M. Brown, le projet «Safe school» vise en priorité à identifier les écoles à risques, et implique les communautés locales, les services de sécurité et les enfants eux-mêmes.

Il prévoit le déploiement de gardes de sécurité et de policiers, ainsi que des mesures pour réagir aux menaces et aux possibles attaques actuelles sur les établissements scolaires», a-t-il ajouté.

«Cette initiative est une partie de notre travail visant à donner à chaque garçon et à chaque fille du Nigeria la possibilité d'aller à l'école. (...) Personne ne doit être privé d'éducation», a-t-il ajouté.

M. Brown doit rencontrer le président nigérian Goodluck Jonathan, et lui remettre à cette occasion une pétition de plus de 400 000 signatures, demandant la création au Nigeria d'écoles où règne la sécurité, a-t-il dit.