Confrontée à des difficultés financières, la Fondation Paul Gérin-Lajoie a décidé de fermer son programme de parrainage d'écoliers au Sénégal.

Cette décision survient alors que les dépenses de déplacement excessives du président François Gérin-Lajoie alimentent une crise au sein de l'organisme. Cette année, elles excéderont de 50 000$ le budget de 29 000$ prévu pour ses missions à l'étranger.

En réunion, le 12 février, le conseil d'administration a exigé qu'à l'avenir, le président ne voyage plus sans autorisation préalable et qu'il détaille ses calendriers de mission avant de partir. François Gérin-Lajoie a visité le Sénégal quatre fois depuis l'automne.

Ironiquement, c'est pendant cette même réunion que le C.A. a voté le démantèlement de son programme de parrainage sénégalais, fondé en 1987 pour favoriser la scolarisation dans le pays africain. L'an dernier, le programme a rejoint 242 enfants de 6 à 18 ans, dont 143 filles.

Depuis quelques années, ce programme doit être renfloué parce qu'il ne fait plus ses frais. Cette année, la Fondation a dû puiser 75 000$ dans ses fonds généraux, provenant notamment de la dictée PGL, pour le maintenir à flot.

Devant l'ampleur du déficit, le couperet est tombé: le programme disparaîtra en 2015.

«Nous procéderons correctement et tous nos engagements vont se poursuivre jusqu'au bout», assure François Gérin-Lajoie, en entrevue téléphonique.

Cette décision ne touche cependant pas le programme de parrainage haïtien. Et la Fondation tentera de «développer un argumentaire» pour inciter les parrains à y diriger leur générosité vers Haïti, lit-on dans le procès-verbal de la réunion de février.

Critiques

François Gérin-Lajoie est le fils du fondateur de l'ONG de coopération internationale, Paul Gérin-Lajoie, qui a été le premier ministre de l'Éducation du Québec. Âgé de 94 ans, il occupe le poste de président du C.A., tandis que son fils agit comme président de la Fondation. Plusieurs personnes déplorent les effets pervers des liens filiaux qui unissent les deux présidents.

«C'est impossible de contester l'autorité» de François Gérin-Lajoie, dit un ex-administrateur, selon qui celui-ci a longtemps refusé d'être évalué par le C.A.

Les liens amicaux et familiaux sont aussi présents au C.A., où siège le gendre de Paul Gérin-Lajoie, Yves Masson. Son autre fils, Bernard, en a longtemps fait partie aussi. Ce réseau tissé serré permet aux Gérin-Lajoie de gérer la Fondation «comme si elle leur appartenait», déplore l'ancien directeur de la recherche Gabriel Aubin, qui y a travaillé de 1997 à 2004.

À l'époque, il s'était étonné auprès de Paul Gérin-Lajoie qu'un membre du C.A. ait obtenu un important contrat pour la Fondation, d'où un possible conflit d'intérêts. «Il m'a répondu: «Une Fondation, ça ne se gère pas comme une commission scolaire ou un cégep»», se souvient Gabriel Aubin, aujourd'hui retraité.

Ce dernier a vu passer quatre directeurs généraux en l'espace de six ans. Un roulement qui a «magané» la Fondation, selon lui. D'autres anciens employés et administrateurs évoquent une gestion peu rigoureuse, où la ligne entre la Fondation et la famille est parfois floue.

Un ex-membre du C.A. raconte avoir vu François Gérin-Lajoie demander à un employé de la Fondation d'aller faire changer les pneus de son auto et prendre ses vêtements chez le nettoyeur. En entrevue, François Gérin-Lajoie souligne qu'il est «le principal artisan de la Fondation» où il est présent à divers titres depuis 18 ans. Il déplore que son budget de voyage ne soit pas assez substantiel.

La famille ne pèse-t-elle pas trop lourd au C.A.? «C'est clair qu'on veut avoir des gens de la famille, mais ce n'est pas un défaut. Ils sont des professionnels avant d'être des membres de la famille.»

Cette situation crée beaucoup d'insatisfaction à l'interne. L'abcès a crevé quand François Gérin-Lajoie a appuyé la candidature de Fatima Houda-Pepin, au nom de la Fondation. Catastrophé, le C.A. a obtenu un avis juridique qui recommande de suspendre François Gérin-Lajoie jusqu'à la tenue d'une enquête indépendante. C'est plutôt la directrice générale qui s'est fait montrer la porte. Trois membres du C.A. ont alors démissionné pour protester contre cette décision.

La Fondation a un budget d'environ 5 millions, provenant de subventions gouvernementales et de dons publics.