Quelques centaines de personnes ont manifesté mercredi dans la capitale nigériane Abuja pour dénoncer l'enlèvement par les islamistes de Boko Haram de 100 à 200 jeunes filles mi-avril dans le nord-est du Nigeria et dont le sort reste inconnu à ce jour.

Le collectif «Femmes pour la paix et la justice» avait appelé à une «marche de protestation d'un million de femmes» pour s'indigner contre l'incapacité des autorités à retrouver la trace des jeunes filles, âgées de 12 à 17 ans.

Mais seulement quelques centaines d'hommes et de femmes ont manifesté à Abuja, la forte pluie qui s'est abattue sur la ville en début d'après-midi ayant sûrement dissuadé de potentiels participants.

Tous vêtus de rouge, les manifestants, qui se dirigeaient vers l'Assemblée nationale, portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Trouvez nos filles».

L'enlèvement des jeunes filles dans leur école secondaire de Chibok, dans l'État de Borno (nord-est), le soir du 14 avril, suscite une indignation et une mobilisation croissante au Nigeria, dans toutes les grandes villes et sur Twitter notamment.

«Le gouvernement doit comprendre qu'on ne permettra pas que le silence continue» a déclaré Hadiza Bala Usman, l'organisatrice de la marche, à l'AFP.

À Kano, la plus grande ville du nord du Nigeria, une centaine de manifestants vêtus de noirs se sont dirigés mercredi après-midi vers le siège du gouverneur pour appeler à la libération immédiate de jeunes filles.

Il s'agit de l'attaque qui a le plus bouleversé l'opinion publique depuis le début de l'insurrection menée par le groupe islamiste Boko Haram, qui a fait des milliers de morts en cinq ans.

Selon les responsables de l'État de Borno, 129 jeunes filles ont été enlevées quand leur école a été attaquée par des hommes armés qui les ont emmenées à bord de camions; 52 d'entre elles ont ensuite retrouvé la liberté.

Mais les habitants de Chibok, et notamment la directrice de l'école, affirment de leur côté que 230 filles ont été enlevées et que 187 d'entre elles sont toujours en captivité.

Pauvres et sans influence

À Chibok, les parents des victimes sont d'autant plus angoissés que selon des informations qui y circulent, les victimes pourraient avoir été emmenées au Cameroun et au Tchad frontaliers, pour y être mariées de force.

Ces informations, rapportées à l'AFP par Pogu Bitrus, le chef du Conseil des Anciens de Chibok, n'ont pu être confirmées auprès de sources sécuritaires pour le moment.

Les familles, qui se sont cotisées pour acheter de l'essence et mener leurs propres recherches en voiture et en moto, disent avoir elles aussi perdu confiance dans l'opération de secours menée par les autorités.

Mme Usman, organisatrice de la marche d'Abuja, regrette l'inaction des autorités.

«Si cela était arrivé n'importe où ailleurs dans le monde, plus de 200 filles enlevées et aucune nouvelle pendant plus de deux semaines, le pays serait complètement au point mort», s'est-elle indignée.

Boko Haram, dont le nom signifie «l'éducation occidentale est un péché», a souvent pris pour cible les établissements scolaires dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.

Le groupe extrémiste, qui revendique la création d'un État islamique dans cette région, a mis le feu à des écoles, massacré des étudiants dans leur sommeil et posé des bombes sur des campus d'universités, mais c'est la première fois qu'un tel enlèvement de masse est perpétré.

La marche doit démarrer à la fontaine de l'Unité, dans le centre d'Abuja, et se terminer devant l'Assemblée nationale.

Mme Usman espère que le président de la Chambre des représentants, Aminu Tambwal et même le président de la République, Goodluck Jonathan, s'adresseront aux manifestants.

Joint par téléphone à Chibok, le père d'une des captives espère que la présence de manifestants devant l'Assemblée va permettre de faire bouger les choses.

«Nous sommes pauvres et sans aucune influence et nous pensons que c'est pour cela que le gouvernement ne s'intéresse pas à nos filles», regrette-t-il.

«Mais nous espérons que si les Nigérians, riches et pauvres, haussent la voix de toutes parts (du pays), cela poussera le gouvernement à réfléchir à la meilleure façon d'agir pour libérer nos filles».