Les parents des lycéennes enlevées par les islamistes de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria dénonçaient mardi l'échec des autorités à leur venir en aide, s'inquiétant des informations évoquant le mariage forcé de leurs filles dans des pays frontaliers.

L'enlèvement de masse d'entre 100 et 200 jeunes filles de 12 à 17 ans à Chibok, dans l'État de Borno, le soir du 14 avril, est l'une des attaques qui a le plus bouleversé l'opinion publique depuis le début de l'insurrection islamiste, qui a fait des milliers de morts en cinq ans.

Enoch Mark, dont la fille et les deux nièces font partie des victimes, considère que le gouvernement «fait preuve d'indifférence face à ce désastre monumental». L'épouse de M. Mark, atteinte d'hypertension, «dort deux heures par jour et reste assise, la plupart du temps, à penser à sa fille», confie l'homme, désemparé, à l'AFP.

Les familles sont d'autant plus angoissées que selon certaines informations qui circulent à Chibok, les victimes pourraient avoir été emmenées dans les pays frontaliers, pour y être mariées de force.

«Selon les informations reçues hier (lundi) de la frontière camerounaise, nos jeunes filles enlevées ont été emmenées au Tchad et au Cameroun où elles ont été mariées à des membres de Boko Haram pour 2000 nairas (15$)», a affirmé à l'AFP Pogu Bitrus, le chef du conseil des anciens de Chibok.

Ces informations n'ont pu être confirmées pour l'instant par des sources sécuritaires.

Selon les lycéennes qui ont réussi à s'échapper, les captives étaient gardées, à un moment, dans la forêt de Sambisa, dans l'État de Borno, où Boko Haram a des camps fortifiés.

Selon des sources sécuritaires, les jeunes filles pourraient être utilisées comme esclaves sexuelles ou domestiques.

Alors que l'armée fait face à des critiques croissantes quant à l'opération de recherche des lycéennes, considérée comme inefficace, les responsables se livrent à une bataille des chiffres.

Selon les responsables de l'État de Borno, 129 jeunes filles ont été enlevées quand leur lycée a été attaqué par des hommes armés qui les ont emmenées à bord de camions; 52 d'entre elles ont ensuite retrouvé la liberté.

«M. le Président, sauvez nos filles»

Mais les habitants de Chibok et notamment la directrice du lycée affirment de leur côté que 230 filles ont été enlevées et que 187 d'entre elles sont toujours en captivité.

«Il est invraisemblable que les ravisseurs circulent dans d'énormes convois avec leurs victimes depuis deux semaines sans qu'ils ne soient repérés par l'armée», estime M. Bitrus.

Les familles, qui se sont cotisé pour acheter de l'essence et mener leurs propres recherches en voiture et en moto, disent avoir elles aussi perdu confiance dans l'opération de secours menée par les autorités.

L'armée a déclaré vendredi avoir tué 40 insurgés à proximité de la forêt de Sambisa, a cours d'une opération de recherche des jeunes filles, sans donner plus de détails.

Boko Haram, dont le nom signifie «l'éducation occidentale est un péché», a souvent pris pour cible les établissements scolaires dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.

Le groupe extrémiste, qui revendique la création d'un État islamique dans cette région, a mis le feu à des écoles, massacré des étudiants dans leur sommeil et posé des bombes sur des campus d'universités, mais c'est la première fois qu'un tel enlèvement de masse est perpétré.

Des dizaines de femmes, vêtues de noir, ont manifesté devant le Parlement de l'État de Borno mardi. «Libérez les enfants enlevés», «Chibok pleure», M. le Président, sauvez nos filles», pouvait-on lire sur les pancartes des manifestantes.

Dans une motion, le Sénat a invité le gouvernement nigérian à demander l'aide d'autres pays et du Conseil de Sécurité de l'ONU pour mener les recherches.

Le collectif «Femmes pour la paix et la justice» a appelé à une «marche de protestation d'un million de femmes» à Abuja mercredi pour réclamer la mise en oeuvre de plus de moyens pour retrouver les lycéennes.

«Comment est-il possible qu'à l'ère des drones, de Google Map et des frappes aériennes, plus de 200 jeunes filles aient pu disparaître sans laisser de traces ?», a déclaré Hadiza Bala Usman, l'organisatrice de la marche, dans un communiqué.