Le Conseil de sécurité a menacé jeudi de sanctions ciblées les responsables d'exactions au Soudan du Sud, exprimant son «horreur» et sa «colère» devant le massacre de centaines de civils à Bentiu (nord) et à Bor (est).

La semaine dernière, «la plus sombre» dans l'histoire du pays selon un responsable des Nations unies, une base de l'ONU abritant des milliers de civils a été attaquée à Bor et plus de 200 civils ont été tués à Bentiu, un massacre attribué par l'ONU aux rebelles sud-soudanais.

Après une réunion d'urgence mercredi soir, les 15 membres du Conseil de sécurité ont publié jeudi une déclaration au ton inhabituel, exprimant «leur horreur et leur colère».

Ils ont menacé de prendre «des mesures appropriées» contre les responsables d'exactions, une allusion à des sanctions ciblées (généralement un gel des avoirs et une interdiction de voyager), sans toutefois annoncer de décision.

Selon la présidente du Conseil, l'ambassadrice nigériane Joy Ogwu, il s'agit «d'envoyer un message sans équivoque».

Le Conseil a dénoncé «le ciblage systématique des civils sur une base ethnique» dont s'accompagnent les combats qui opposent depuis la mi-décembre les troupes loyales au président Salva Kiir à celles fidèles à son ex-vice-président Riek Machar.

Ces combats ont fait des milliers de morts et forcé des dizaines de milliers de civils à chercher refuge dans plusieurs bases de l'ONU protégées par les Casques bleus de la MINUSS (Mission de l'ONU au Soudan du sud). À Bor le 17 avril, au moins 48 civils réfugiés dans la base ont été tués et plus de 100 personnes blessées, selon les Nations unies.

Le Conseil demande au Haut-commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU de mener immédiatement une enquête sur le massacre de Bentiu et au secrétaire général adjoint de l'ONU Ivan Simonovic de retourner «dès que possible» en mission au Soudan du Sud.

Mettre fin aux exactions

Ils mettent en demeure Salva Kiir et Riek Machar de dénoncer publiquement les attaques contre des civils, de sanctionner les coupables et de retourner à la table des négociations. Celles-ci, jusqu'ici infructueuses, doivent reprendre avant fin avril à Addis Abeba.

Un cessez-le-feu a bien été signé le 23 janvier à Addis Abeba, mais il est resté lettre morte. Pour le patron des opérations de maintien de la paix de l'ONU Hervé Ladsous, les deux camps «ne semblent pas prêts à cesser les hostilités». Un sentiment partagé par l'ambassadrice américaine Samantha Power: «L'accord signé il y a trois mois semble avoir été considéré en fait comme un engagement à continuer le combat».

Les États-Unis ont soutenu historiquement la rébellion sudiste contre Khartoum et ont parrainé l'indépendance du Soudan du Sud, avant de prendre leurs distances.

Au cours des consultations à huis clos mercredi, Mme Power et l'ambassadeur français Gérard Araud ont plaidé ouvertement pour des sanctions.

Le Conseil, a affirmé Mme Power jeudi, doit «mettre en place rapidement un régime de sanctions visant ceux qui font obstacle au processus de paix et les responsables d'atrocités».

Paris a rappelé aussi que les auteurs d'exactions sont passibles de la Cour pénale internationale (CPI). Selon le ministère français des Affaires étrangères, la France «soutient toutes les initiatives de la communauté internationale pour mettre fin aux exactions de masse» au Soudan du Sud, «notamment la proposition américaine de sanctions individuelles».

Sur le terrain, le chef d'état-major sud-soudanais James Hoth Mai a été limogé mercredi à la suite des revers essuyés par l'armée dans le nord, où les rebelles ont pris Bentiu, capitale d'une région pétrolifère stratégique. Selon des analystes, la rébellion semble désormais contrôler une vaste zone au centre et au nord du pays, mais n'est pas en mesure de s'emparer de la capitale Juba.

Les forces de l'ancien vice-président Riek Machar ont quant à elles affirmé jeudi avoir pris Renk, localité frontalière du Soudan, et se rapprocher de champs de pétrole du nord-est et de Malakal, capitale de l'État pétrolier du Haut-Nil. L'armée gouvernementale sud-soudanaise, loyale au président Salva Kiir, a fermement démenti ces affirmations, affirmant que Renk était toujours sous son contrôle. Ces allégations étaient impossibles à vérifier de manière indépendante dans l'immédiat.